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Expositions

Roman de Salvo
Face Time, 2000. Vacuum thermoformé, plastique et miroirs, (20.3 x 30.5 x 35.6 cm) chaque.
Quint Contemporary Art, La Jolla, California, et l' artiste 


Kim Dingle
63MG 4ME, 1999.
MG Midget technique mixte, approximativement 121.9 x 365.8 x 134.6 cm.
Collection d' Eileen et Peter Norton; courtesy l'artiste et Sperone Westwater, New York


Le Whitney Museum ausculte l’art américain

La célèbre biennale du musée new-yorkais ouvre ce soir. Réunissant plus de cent artistes, elle offre un panorama détaillé de la création contemporaine aux Etats-Unis.

En 1932, un an après avoir créé le Whitney Museum, Gloria Vanderbilt lance le principe des manifestations biennales et annuelles, supposées offrir un échantillon représentatif de toutes les productions de l’art américain. Deux générations plus tard, la Biennale du Whitney est devenue une énorme machine, qui coûte cher mais qui attire la foule, sachant s’entourer à l’occasion du nécessaire parfum de scandale. Cette année, elle envahira jusqu’au 26 mai trois étages du bâtiment ainsi que le jardin de sculpture. Pour la première fois, les organisateurs ont obtenu l’autorisation d’utiliser Central Park pour y placer cinq installations. Roxy Paine y a créé un arbre métallique de 15 mètres de hauteur tandis que Brian Tolle fait naître des ondes aléatoires dans l’un des étangs.

Fidèle au principe établi, le commissaire Lawrence Rinder, 40 ans, a sillonné une bonne partie du territoire de l’Union pour sélectionner les 113 artistes. Les «lauréats» ont entre 24 et 71 ans, représentent la ville et la campagne, proviennent de vingt Etats américains et d'autant de pays étrangers. Symboles de cette mondialisation, Bronson, du groupe canadien General Idea ou Chan Chao, avec des photos de camps de réfugiés birmans. Le Whitney Museum a su progressivement ouvrir la Biennale aux nouvelles formes d’expression. La peinture et la sculpture, qui ont dominé sans partage pendant quarante ans, ont été rejointes en 1973 par les «techniques mixtes», puis par la vidéo en 1975 et internet en 2000, qui occupe, cette année encore, une place essentielle. Quant au hall, il est consacré au «sound-art», que l’on peut découvrir au moyen d’écouteurs.

Si le virtuel est bien présent – avec, par exemple, ce dialogue entretenu par deux têtes de robos (If/then par Ken Feingold), les échos du vaste monde ont aussi leurs entrées. Conor Mc Grady traduit les tensions qui secouent Belfast. L’Amérique profonde est de la partie avec, entre autres, la vidéo d’un sermon baptiste à San Antonio (The Holy Artwork par Christian Jankowski). La nature (avec les toiles d’araignée de Vija Celmins), la mythologie (les sirènes et les harpies de Kiki Smith), l’histoire (Keith Edmier qui fait revivre ses grands-pères engagés dans la Seconde Guerre mondiale), l’artisanat ou l’architecture (pour la première fois présente, par l’intermédiaire de Lebbeus Woods) ont aussi leur place dans cette Biennale, ce qui peut lui valoir l’accusation de fourre-tout mais justifie sa prétention à être la plus importante depuis 1981. Les visiteurs français observeront avec intérêt dans un appartement de Prince Street, à Soho, la reconstitution par Salon de Fleurus du domicile parisien de Gertrude Stein.

Outrepassant la volonté de la fondatrice de ne pas introduire de prix ou de récompense, la Biennale verra pour la seconde fois l’un de ses exposants recevoir le Bucksbaum Prize, l’un des plus richement dotés dans le domaine de l’art contemporain : 100 000 $, outre une exposition et une résidence de deux ans au musée. En 2000, la récompense avait été remise à Paul Pfeiffer. Pour son successeur, le succès aura encore le goût du dollar.


 Rafael Pic
07.03.2002