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Politique culturelle

La guerre du conceptuel aura lieu

A Londres, le millionnaire Ivan Massow a récemment quitté avec fracas la direction de l'Institute of Contemporary Art, coupable, à ses yeux, d'une excessive complaisance envers l'art conceptuel. Il s'apprête à lui susciter un opposant, l'ICC.


Ivan Massow n’a pas l’intention de se faire oublier… Le jeune homme d’affaires de 34 ans avait défrayé la chronique il y a deux ans lorsqu’il avait abandonné les conservateurs, qui en avaient fait leur candidat à la mairie de Londres, pour rejoindre les rangs travailllistes. Il s’était fait précédemment connaître en lançant la première compagnie d’assurances et de fonds de pension pour homosexuels. Il y a deux mois, Ivan Massow a été «défenestré» de l’Institute of Contemporary Art, glorieuse institution londonienne de l’après-guerre, dont il était le président. Après, il est vrai, des déclarations qui avaient tout pour irriter son conseil d’administration… Dans une interview au «New Stateman», Ivan Massow avait lancé une virulente attaque contre l’art conceptuel, «ses créations insignifiantes dont je ne voudrais même pas en cadeau», et ses «tsars» au premier rang desquels il indiquait Nicholas Serota, le patron de la Tate Gallery.

«Quand j’ai été approché par l’ICA il y a trois ans, cela a été une surprise complète pour moi. Je ne connaissais même pas le lieu lorsque je m’y suis rendu pour rencontrer le directeur, Philip Dodd, nous explique Ivan Massow. Je suppose que Philip pensait à moi parce que j’étais un choix inattendu, un peu audacieux (ce que l’ICA devrait être !). Il voulait par ailleurs quelqu’un qui ait un bon réseau de relations et qui ait bien réussi en affaires. Je me souviens avoir lu à l’époque des déclarations de lui dans la presse disant que jétais un choix dangereux mais que l’ICA devait vivre dangereusement…» Après deux ans de cohabitation dangereuse, le torchon a effectivement brûlé. Lors d’une réunion très médiatique, le 4 février dernier, Ivan Massow a été dépossédé de son mandat. «Etre président de l’ICA signifiait que j’étais au centre de la scène contemporaine britannique, que je rencontrais les artistes, les commissaires d’exposition, les conservateurs. Inévitablement, cela m’a amené à formuler des opinions tranchées. Cependant, mes commentaires sur l’art conceptuel ont été interprétés comme une condamnation de tout l’art conceptuel alors que je critiquais simplement la façon dont il domine la scène contemporaine.»

Immédiatement après son départ de l’ICA, Ivan Massow a manifesté son intention de créer une structure concurrente. Se faisant fort d’appuis influents – Giorgio Armani ou Michael Bloomberg, le nouveau maire de New York – il évoquait dans un premier temps la possibilité d’occuper des locaux sur le Mall, à côté de l’ICA. Une provocation pour le plaisir ? Depuis, le projet d’ICC (Institute of Contemporary Culture) a mûri et sera s’abord lancé sur internet. Son ambition est de créer une communauté virtuelle, d’organiser des expositions et des événements en Grande-Bretagne et dans le monde, de donner la parole «à tous ceux dont la dévotion pour l’art et pour le travail des artistes est noyée, dans une industrie dominée par les mécanismes de la célébrité et dirigée par un petit groupe d’“arbitres du goût”.» Lors de la première année, il devrait fonctionner avec un budget inférieur à 500 000 £ et rechercher l’équilibre financier. L’une des propositions appelées à faire parler d’elle – peut-être est-elle spécifiquement conçue à cet effet – est la «prison» symbolique où seront confinées les œuvres agressives, pornographiques ou de mauvais goût tant que les mentors de l’ICC n’auront pas voté leur libération… La présentation officielle de l’ICC est prévue pour le 6 juin dans les locaux londoniens de Yoo, la société de Philippe Starck.


 Rafael Pic
02.04.2002