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Musées

Georges Seurat (1859-1891), Le chenal de Gravelines, Petit-Fort-Philippe, 1890
huile sur toile
© Indianapolis Museum of Art


Le tableau d'Ellen Lee (Indianapolis Museum of Art)

Le chenal de Gravelines de Seurat (1890), légué en 1945, est le cœur de la collection néo-impressionniste du musée.

Il est très difficile de choisir une œuvre parmi les collections d’un musée, surtout quand il s’agit d’un musée généraliste comme celui d’Indianapolis. Cependant, je crois que mon œuvre préférée, c’est une toile pointilliste de Seurat, qu’il a réalisée durant le dernier été de sa vie en 1890, à Petit-Fort-Philippe : Le chenal de Gravelines. Le tableau représente un petit chenal qui mène à la mer. Seurat a peint quatre vues de ce lieu. Le chenal de Gravelines est une combinaison émouvante de théories scientifiques et de mélange de couleurs. C’est une composition très bien organisée, par exemple par la disposition des bateaux, et en même temps elle présente une grande douceur. Le tout possède une grande harmonie. Je dirais que c’est un mélange de méthode et de poésie. Avec ce mélange intéressant de la couleur, Seurat a réussi à donner un sens de la luminosité, une fraîcheur au tableau.

Le tableau est entré dans les collections en 1945. C’était le don d’une femme d’Indianapolis très raffinée et amateur d’art, Caroline Marmon Fesler. Elle a décidé que le musée d’Indianapolis manquait de paysages, pas simplement de paysages ordinaires mais de chefs-d’œuvre. Elle a rassemblé un Van Gogh, un Cézanne, un maître hollandais du 17e siècle, un Giorgia O’Keefee et ce tableau de Seurat. Je pense que ce dernier est vraiment un chef-d’œuvre et que Caroline Marmon Fesler avait un œil expert. De surcroît le tableau était dans un état parfait. Il faut savoir que les néo-impressionnistes avaient élaboré une théorie de la couleur et qu’ils ne posaient pas de vernis sur la toile. Malheureusement certains acquéreurs ont par la suite recouvert les tableaux néo-impressionnistes de vernis. Ce tableau de Seurat n’a jamais été touché probablement parce qu'il était sous verre. Le restaurateur a juste un peu nettoyé la toile. Mais on peut dire que l’œuvre est dans l’état dans lequel Seurat l’a voulu, à l’exception du cadre. En effet, il composait lui-même les cadres de ses œuvres, en bois avec un décor pointilliste. Pour cette toile comme pour beaucoup d’autres, malheureusement, le cadre a été démonté plus tard. Le restaurateur du musée a créé un cadre proche de ce que Seurat réalisait : un cadre qui fait partie de l’œuvre et qui finit la composition. Je pense que cette œuvre de Seurat est le centre, la vedette de toute la collection néo-impressionniste du musée d’Indianapolis.


  Propos recueillis par L'Art Aujourd'hui
15.09.2001