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Expositions

Le corps dans l’âme

Après les Peintres du silence, les graveurs du corps investissent les cimaises du Centre Wallonie-Bruxelles à Paris. La soixantaine d’œuvres présentées illustrent un thème qui n’a jamais cessé d’inspirer les artistes.


Izabella Gustowska, Les traits
relatifs de la ressemblance
XXV
, 1983 © Centre de
la Gravure et de l'image
imprimée
Sélectionnées dans le fonds du Centre de La gravure et de l’Image imprimée de la Louvière, les estampes abordent l’image du corps tout au long du 20e siècle. Les grandes lithographies de Jean-Charles Blais, In and out et les travaux d’Izabella Gustowska donnent le ton de l’exposition : les artistes n’hésitent pas à représenter des corps sans tête ou flottant dans des espaces indéfinis. La technique de la linogravure permet à Laurence Dervaux de fondre le corps de Justine dans un décors de verdure tandis que Jean-Pierre Point préfère cadrer des détails choisis, Clairière n°9. Les artistes ne manquent pas de jouer avec ce thème en lui donnant des notes amusantes : Armand Simon, dans sa série Au galop des veilleurs muets, Roland Topor et son adaptation des Neuf Grâces ou encore Pol Bury qui prend plaisir à déformer des œuvres d’art comme Ramollissement de la Vénus de Milo.



« Parce que le corps est le lieu de la coupure, de la différenciation individuelle, on lui suppose le privilège de la réconciliation possible. On cherche le secret perdu du corps ». (David Le Breton)

Si les aquatintes d’Angeliki Havalesidis radiographient le corps humain, les pointes sèches de Jiri Anderle en donnent une étude quasi surréaliste. Des livres d’artistes comme la revue «Derrière le miroir» dans laquelle on peut apprécier les œuvres de Calder, Giacometti, Ubac ou Garache.... Certaines pièces surprennent par leur originalité comme le recueil de sept photo-aquatintes de Vicky Roux, Empreintes d’artistes ou encore cette dénonciation de la modernisation, le Taillandier-land par Yvon Taillandier. Jiri Kolar met le corps en boîtes dans Les Trois Sources tandis qu’Allen Jones se spécialise dans le symbolisme et la représentation des pieds. Symboles érotiques et fétichistes par excellence, la chaussure et le bas participent également aux travaux de Luc Etienne. Ce dernier étudie le mot par l’image et laisse au spectateur le loisir de déchiffrer ces rébus.


Zoran Antonio Music, Nous ne
sommes pas les derniers
,
1970-85 © ADAGP
Comment aborder le corps sans exposer Zoran Music et sa série Nous ne sommes pas les derniers ? Les trois eaux-fortes apportent un témoignage émouvant sur les camps de la mort où l’image du corps se réduit à des peaux parcheminées et à des visages émaciés. La quête du mouvement trouve son illustration dans les travaux de Vladimir Velickovic, lithographies de grandes dimensions au trait vif et violent. L’artiste yougoslave semble se libérer ainsi du souvenir d’un pays soumis à la terreur nazie. Ne faut-il pas voir dans Storm at Saint-Honoré et Feet de Louise Bourgeois, des représentations de ses frustrations et de ses craintes ? La notion de mort plane sur les œuvres de ces trois artistes, ainsi Bed de Louise Bourgeois a été réalisé au profit de la lutte contre le SIDA. Si le corps est le sujet par excellence, l'exposition permet, à côté de grands noms, de découvrir d'autres moins connus.


 Stéphanie Magalhaes
24.04.2002