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Marché

L'histoire du septième art en affiches

La Pagode accueille une vente aux enchères consacrée à de curieuses affiches.


Salon du cinématographe français,
Grand Prix Paris 1900, Harry Graff,
120 x 160 cm
Estimation : 14 / 16 000 €
C’est un lieu mythique du cinéma parisien qu’a choisi maître Marie-Françoise Robert pour disperser un ensemble d’affiches de cinéma «curieuses et rares». L’histoire de la Pagode, récemment réouverte malgré des travaux de réhabilitation, est en effet bien singulière. En 1895, M. Morin, l’un des directeurs du Bon Marché, décide d’offrir ce «caprice» à sa bien-aimée à l’occasion de leur mariage. Il mandate l’architecte Alexandre Marcel, Grand prix de Rome et passionné d’Extrême-Orient, pour lui rapporter une authentique pagode du Japon qu’il fera installer dans le jardin de son hôtel particulier, au 57 rue de Babylone. Son inauguration mondaine, en 1896, défraie la chronique tout comme une réception où les époux apparaissent revêtus en empereurs chinois. Après leur séparation, la pagode conserve un temps sa vocation de salle de réception. Mais, très vite, le lieu ferme. Il est convoité par des diplomates chinois qui veulent y installer leur ambassade, jusqu'au jour où ils réalisent que les fresques illustrent la victoire des Japonais contre les Chinois ! C'est alors, en 1931, après bien des tribulations, que la Pagode devient un cinéma. En réalité, la collection mise en vente imposait presque ce choix. Car si certaines affiches sont récentes, comme celle de la Journée du cinéma soviétique tenue à Kiev en 1989 (150 €) ou la 72nd Annual Academy Awards dédicacée en 2000 par Arnold Schwartzman (300 €), la plupart font remonter aux débuts du septième art.


Cinématographe Lumière,
1896, Auzolle, 160 x 120
Estimation : 10 / 12 000 €
Dans les années 1890, les spectacles d’ombres, renouvelés grâce à un système de plaques découpées, sont montés dans les cabarets montmartrois, comme le Chat Noir (Tournée du Chat noir de Steinlen, 3 000 €), où ils connaissent un franc succès. Parallèlement, les Parisiens s’enflamment pour les dioramas comme ceux de Poilpot qui illustre les grandes batailles de la Révolution et de l’Empire (Révolution et Empire de René Péan, 1 500 €) ou de Louis Tinayre qui reconstitue des scènes exotiques d’après nature (L’expédition de Madagascar de Louis Tinayre, 1 500 €). Pourtant, très vite, ces techniques sont remplacées par le cinématographe. Une affiche illustre le moment historique de la première présentation de ce nouveau procédé par les Frères Lumière, le 28 décembre 1895, dans le salon indien du Grand Café, situé sur le boulevard des Capucines (Cinématographe Lumière d’Henri Brispot, 6 000 €). Une autre affiche, unique exemplaire connu, témoigne de leur présence à l’Exposition universelle de 1900 avec des documentaires d’actualité (Salon du cinématographe français, d’Harry Graff, 14 000 €). La mode est lancée, applaudie par les spectateurs qui sont longtemps représentés sur les affiches (Cinématographe Lumière d’Auzolle, 10 000 €), comme si cette mise en abîme servait également à «vendre» le procédé technique.

Les 130 lots de la vente retracent cette histoire et ses prolongements pour des prix variant de 150 à 15 000 €. Certaines affiches vantent les qualités de différentes salles : le luxueux Palladium qui cherchait à s’attirer le public familial du 16e arrondissement (1000 €) ou le Parisiana, le roi des Cinémas, un panorama reconverti en salle de cinéma au début des années 1900, à l’affût de poilus en permission (1 800 €). D’autres célèbrent des festivals comme le Festival du film maudit de Biarritz qui se tint une seule fois, en août 1949 sous la présidence de Jean Cocteau (2 500 €). D’autres encore annoncent des galas comme Die Film Oper conçue par le célèbre autrichien Théo Matejko pour les tournées de films sur l’opéra qui s’accompagnaient d’un orchestre et de chanteurs (2 300 €). Sans oublier les très nombreuses affiches de documentaires témoignant d’une époque où la production cinématographique s’intéressait autant à la vulgarisation scientifique (La fauvette et le coucou, série ornithologique de Pathé Frères d’Adrien Barrère, 2 200 €) qu’à l’éducation religieuse (Lourdes, ville sainte de Roland Coudon, 1 000 €).


 Zoé Blumenfeld
16.03.2002