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Patrimoine

Morris fait des vagues à la cathédrale de Maguelone

C'est Robert Morris, un artiste originaire du Missouri, qui signe les nouveaux vitraux de Saint-Pierre de Maguelone.


Vue de Saint-Pierre de Maguelone
© Photos: A. Morin / DAP et R.Delon
Editions du Castelet
Après les vitraux de Pierre Soulages à l’abbatiale de Conques ou ceux de Sarkis au réfectoire de l’abbaye cistercienne de Silvacane, une nouvelle commande publique vient aujourd’hui enrichir un édifice du patrimoine religieux, Saint-Pierre de Maguelone. Située sur le territoire de la commune de Villeneuve-lès-Maguelones, dans l’Hérault, cette ancienne cathédrale est l’unique témoignage de l’importance de la cité épiscopale. Une grandeur qui n’eut qu’un temps puisqu’elle débuta en 1085, date à laquelle la cathédrale devint fief pontifical pour constituer un siège de l’orthodoxie romaine, et prit définitivement fin en 1536, lors du transfert de l’évêché à Montpellier, sur ordre du roi de France. Relevée de ses ruines à partir de 1852 par son propriétaire d’alors, Frédéric Fabrège, Saint-Pierre de Maguelone était depuis longtemps «abîmée» par les grands plastiques tendus qui obstruaient ses baies. D’où l’idée de concevoir de nouvelles verrières. «Les nouveaux vitraux ne suppriment rien», explique Bernard Rousseaux, conseiller pour les arts plastiques à la DRAC Languedoc-Roussillon. «D’autant plus qu’en parlant avec Dominique Larpin, architecte en chef des monuments historiques, nous en sommes venus à penser qu’il n’y avait certainement pas d’autres vitraux auparavant. Saint-Pierre faisait sans doute partie de ces églises dont les baies restaient ouvertes».


Les vitraux de Robert Morris
© Photos: A. Morin / DAP et
R. Delon / Ed. du Castelet
Au terme du processus de sélection, l’américain Robert Morris est choisi. Sans doute parce que de tous les artistes, il s’est montré le plus sensible à la sobriété de l’architecture et à la situation exceptionnelle du monument, situé sur un îlot au milieu des marais, à quelques centaines de mètres du rivage méditerranéen. «Trois artistes avaient été sélectionnés auxquels nous aurions pu offrir ce nouveau lieu de création», reprend Bernard Rousseaux. «Comme l’explique très bien le président de l’association des Compagnons de Maguelone qui a la charge par bail emphytéotique depuis 1969, Morris s’est imposé parce que nous avons tout de suite senti qu’il comprenait bien le bâtiment, dans sa fluidité et dans ses relations avec le ciel, la mer et la lumière changeante». Le projet de l’artiste né en 1931 à Kansas City est en effet très d’une grande simplicité. Il développe sur 17 verrières un motif d’onde concentrique, tantôt en bleu, tantôt en miel, métaphore de l’évanescence et de la transcendance…

La sobriété apparente ne rime pourtant pas avec la simplicité de mise en œuvre. «Cela a pris très longtemps aux ateliers Duchemin car l’idée de Morris n’était pas simplement de colorer des verres isolés par un réseau de plombs. Il voulait de très grands verres thermoformés, ce qui a nécessité d’inventer une technique de jointure avec l’architecture, un cordon de caoutchouc qui assure une parfaite étanchéité et rachète les irrégularités de parement. De plus, les verres, déjà colorés dans la masse, devaient rendre l’irisation de la surface fluide. Les maîtres verriers ont donc dû procéder à des opérations de moirage très délicates. Cela ne relevait pas seulement de la chimie. C’était une vraie alchimie !». Avant l’inauguration officielle, ponctuée par une programmation musicale qui rappelle la tenue annuelle d’un festival, de derniers travaux ont été menés. La maçonnerie des ébrasements des baies et des colonnes les enserrant a été reprise. Et, enfin, il a fallu poser des verrières unies à l’extérieur des plus grandes baies, de manière à renforcer l’effet coloré et à protéger des vents et des embruns, la toute nouvelle création dont le montant s’est élevé à 251 540 euros…


 Zoé Blumenfeld
16.03.2002