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Expositions

Sweerts, le Caravage des Flandres

Présentées pour la première fois depuis 1958, les œuvres de Michael Sweerts élisent domicile au Rijksmuseum d’Amsterdam avant de partir pour les États-Unis.


Michael Sweerts, Enterrement du mort
© Wadsworth Atheneum, Museum of
art, Hartford, CT.
Bien des lacunes persistent dans la biographie de cet artiste mystérieux, baptisé dans une église de Bruxelles le 29 septembre 1618. Son passage à Rome est confirmé par les registres de la ville entre 1646 et 1651. « Michille Suarssi » entre au service du prince Camillo Pamphili dans les années 50 avant d’être fait chevalier par le pape Innocent X. Riche de ce titre, l’artiste rentre à Bruxelles où il ouvre une académie de dessin. Après un bref passage à Amsterdam, il s’engage comme missionnaire en Chine et en Palestine. Son voyage est écourté en raison d’un comportement jugé inacceptable par les missionnaires français. Son parcours s’achève donc à Goa où il meurt en 1664. «L’exposition fait le point sur l’œuvre de cet artiste mystérieux et insiste, pour la première fois, sur sa carrière de peintre-graveur. Une sélection de 37 peintures et la totalité de ses estampes (21 pièces) sont présentées au public » précise Duncan Bull, conservateur de la section peinture du Rijkmuseum.


Michael Sweerts, Homme portant
une cruche
© Metropolitan
Museum of Art, New York
Resté dans l’ombre durant deux siècles, l’artiste est redécouvert, par hasard, en 1882 par Bayershofen qui identifie une de ses toiles. Il faut attendre 1907 pour qu’un article de Willem Martin rétablisse sa notoriété. «L’exposition de 1958, présentée à Rotterdam puis à Rome, a été l’unique opportunité de rassembler les œuvres de Sweerts et de les présenter au public. Dès lors, l’artiste retrouve peu à peu sa notoriété auprès des musées qui deviennent acheteurs de ses peintures. Environ 5 toiles ont été acquises ces trente dernières années. Des découvertes ont suivi ce regain d’intérêt pour l’artiste. La Scène de taverne anciennement attribuée à Ter Borch lui est rendu. La Peste dans une ville antique, donnée à Poussin, est aujourd’hui considérée comme l’œuvre la plus célèbre de Sweerts. Sa vente à New York, il y a 5 ans, l’a mise entre les mains d’un collectionneur particulier. Découvert par un marchand, le petit tableau de La Fileuse nous a été prêté par le Fitzwilliam Museum de Cambridge. On peut compter plus de 10 réattributions depuis les années cinquante »


Michael Sweerts, L'Académie
© Frans Halsmuseum, Haarlem
Attaché à une image d’artiste errant et solitaire, Michael Sweerts est pourtant l’auteur de la série des Sept œuvres de Charité. Aujourd’hui conservées dans différents musées, le Rijksmuseum, le Wadsworth Atheneum, la fondation Rau de Zürich et une collection privée, ces œuvres sont réunies pour la première fois depuis le 19e siècle. Selon Jonathan Bikker, co-organisateur de l’exposition, cette série daterait de l’époque où l’artiste était conseiller artistique de la famille Deutz à Rome dans les années 1648. Une commande qui ressemblerait alors à un cadeau de remerciement envers son bienfaiteur. «Ces épisodes de la Bible sont traités de manière très personnelle par Sweerts. Contrairement aux Sacrements de Poussin, l’artiste situe les scènes dans l’Italie contemporaine. Un choix original pour ce siècle ! ». Parmi les 90 toiles considérées de la main de l’artiste, deux sont conservées au musée du Louvre : Jeune homme et l’entremetteuse, un petit tableau sur cuivre qui figure dans l’exposition et le Concert napolitain.

Comment qualifier le style de Michael Sweerts ? Dans ses portraits comme dans ses scènes de genre, l’artiste prenait pour modèles des gens du peuple, vêtus modestement et occupés à des tâches quotidiennes. «Jusqu’en 1960, date à laquelle on a découvert son acte de baptême à Bruxelles, on a pensé que Sweerts était hollandais. Il est intéressant de noter qu’aucun tableau de sa main ne figure dans les inventaires belges... tandis que le Rijskmuseum en avait déjà acheté huit au 18e siècle. Bien qu’il ait toujours été considéré comme un artiste à part, il reste très lié à l’école Anvers-Bruxelles. Ses scènes de genre trahissent une influence du Caravage, qui est perceptible dans les effets de lumières ».


 Stéphanie Magalhaes
25.03.2002