Home > Le Quotidien des Arts > Jacques Rigaud : «Nos oscars médiatisent le mécénat»

Politique culturelle

Jacques Rigaud © I. Jang

Jacques Rigaud : «Nos oscars médiatisent le mécénat»

Le mécénat d'entreprise en France représente aujourd'hui plus de 350 millions d'euros par an. Admical, l’association qui milite pour son développement, ouvre ses 14e assises à Lyon.

Pourquoi avoir créé des oscars du mécénat ?
Jacques Rigaud, président d’Admical (Association pour le développement du mécénat industriel et commercial).
En 1980, dès le début d’Admical (qui a été créé en 1979), nous avons souhaité mettre un coup de phare sur des initiatives exemplaires dans le domaine de la culture et de la solidarité. Même s’ils ne sont pas les Césars ou le prix Goncourt, l’expérience a prouvé que ces oscars ont un réel impact médiatique. Ils font plaisir aux entreprises qui les reçoivent, qui n’hésitent pas ensuite à les citer dans leur stratégie de communication. Nous recevons chaque année de très nombreuses candidatures, sur lesquelles se prononce un jury indépendant, présidé par une personnalité du monde de la culture ou des affaires. Nous avons ainsi eu dans le passé Jean-Louis Barrault, Jean-Claude Casadesus, Robert Lion ou François Dalle. Cette année, le rôle est tenu par Jacques Perrin, qui a été un président très studieux.

Combien d’oscars décernez-vous ?
Jacques Rigaud.
Leur nombre a varié dans le temps. Cette année, nous n’en décernons qu’un, qui récompensera une action dans le domaine de la culture, de la solidarité ou de l’environnement. Mais nous aurons également un prix du mécénat de proximité, pour souligner que le mécénat, ce ne sont pas seulement les grandes opétations médiatiques. Il y aura également, un peu comme à Cannes, un prix Découvertes, à la liberté du jury. Pas ailleurs, «Télérama», qui nous accompagne depuis le début, décerne son propre prix.

Le mécénat d’entreprise a-t-il évolué en vingt ans ?
Jacques Rigaud.
Bien sûr. L’évolution la plus importante, c’est que le mécénat n’est plus uniquement l’affaire de la grande entreprise. Il existe un mécénat des PME, qui pourrait représenter, selon nos estimations, près de 40% du total. C’est une tendance qu’avait d’ailleurs anticipée le premier oscar, décerné en 1980 aux soieries Brochier à Lyon. Par ailleurs, nous voyons se développer un autre mouvement prometteur, celui du mécénat collectif. J’entends par là la réunion d’un groupe d’entreprises autour d’une institution, comme c’est le cas, par exemple, autour de l’orchestre du Capitole à Toulouse. Cette façon d’agir a d’excellentes vertus pédagogiques puisqu’elle forme à la pratique du mécénat des entreprises qui n’en sont pas toujours coutumières.

La France est-elle en retard par rapport à d’autres pays ?
Jacques Rigaud.
Nous sommes derrière les Etats-Unis mais la comparaison est trompeuse puisqu’il n’y existe pas de politique d'investissement public comme chez nous. En revanche, par rapport à d’autres pays européens, ou le mécénat est mieux enraciné qu’en France, comme l’Allemagne, l’Italie ou la Grande-Bretagne, nous avons réduit notre retard.

Quelles limitations fiscales ou juridiques limitent encore le mécénat d’entreprise ?
Jacques Rigaud.
Je crois beaucoup au développement des fondations. Celles-ci donnent au mécénat un caractère permanent et permettent de créer une distance avec l’entreprise. Leur création est encore trop compliquée. Au niveau fiscal, nous pensons à une incitation dans le cadre des fusions. Lorsque deux sociétés se regroupent, il arrive fréquemment qu’elles abandonnent une activité. En la cédant, elles touchent de grosses sommes. Si, à cette occasion, elles pouvaient, en franchise d’impôt, en consacrer une petite partie à la création d’une fondation, cela favoriserait leur développement. D’une façon générale, il faut un système plus clair, plus incitatif. Nous aurons, lors des débats, les représentants des deux principaux candidats à l’élection présidentielle : Marcel Rogemont pour Lionel Jospin, et Renaud Dutreil pour Jacques Chirac. J’avais écrit à tous les autres candidats mais ils n’ont pas réagi à l’exception de François Bayrou.

Quel peut être le rôle d’internet dans le développement du mécénat d’entreprise.
Jacques Rigaud.
C’est bien sûr un excellent moyen de diffusion et nous avons nous-mêmes notre site. Mais nous pouvons aller beaucoup plus loin. Je pense au développement d’un lieu neutre où pourraient se confronter l’offre et la demande.

Admical est-il actif à l’international ?
Jacques Rigaud.
Tout à fait. Nos homologues au Japon et au Liban sont des clones d’Admical. Par ailleurs, nous avons créé le Cerec, qui fédère les associations similaires, avec lesquelles nous tenons de nombreuses réunions. Le Cerec décerne aussi un prix, qui a notamment récompensé les Chemins du baroque.

Admical est reparti pour vingt ans ?
Jacques Rigaud.
Il y a quelques années, après le vote de la loi sur les fondations d’entreprise, j’avais proposé de dissoudre l’Admical, arguant du fait que la fusée avait été lancée et que nous n’avions plus de raison d’être. Les entreprises se sont récrié et nous ont dit qu’il n’était pas question de s’arrêter, que nous devions continuer notre discours de sensibilisation…


 Rafael Pic
13.03.2002