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Le Québec pleure l'un de ses principaux artistes contemporains

Jean-Paul Riopelle s'est éteint après une vie mouvementée, entre surréalisme parisien et nature canadienne.

MONTREAL, 13 mars (AFP) - Le peintre Jean-Paul Riopelle, l'un des fondateurs de l'art contemporain canadien, est mort à l'âge de 78 ans, laissant une oeuvre immense dont la vitalité transperce autant les toiles abstraites flamboyantes que les hommages à la nature de son Québec natal. Né le 7 octobre 1923 à Montréal, ce peintre essentiellement abstrait avait passé une grande partie de sa carrière en France avant de revenir au Québec où il s'est éteint mardi soir, dans son manoir isolé de l'Ile aux Grues.

Dès 1946, ce fils unique, qui avait vécu une enfance protégée, fait son premier voyage à Paris, payant sa traversée en travaillant sur un cargo. Là, il se lie avec les surréalistes et signe en 1947 avec André Breton le manifeste "Rupture inaugurale". Ce manifeste inspire au Québec celui du "Refus global", marquant le passage de la province à la modernité artistique autour des "automatistes", qui réclament la liberté pour l'art dans une société d'après-guerre encore très figée. Riopelle le co-signe, avec une quinzaine d'artistes, autour de Paul-Emile Borduas, apôtre de l'avant-garde rencontré à l'Ecole du Meuble. En tant que peuple québécois, Riopelle "nous a aidés à sortir de notre carcan. Il nous a poussés dans nos derniers retranchements", estimait mercredi Diane Lemieux, la ministre de la Culture du Québec. En 1948, avec sa femme et sa fille Yseult -une deuxième fille, Sylvie, naîtra peu après- il repart pour la France qu'il ne quittera définitivement qu'à la fin des années 1980. Dès 1949, il expose et entame une carrière prolifique qui le verra représenté par les prestigieuses galeries Maeght à Paris ou Pierre Matisse à New York, jusqu'à devenir le premier peintre canadien dont une oeuvre atteint le million de dollars.

Le catalogue raisonné sur lequel travaille sa fille Yseult depuis des années devrait comprendre plus de 4.500 notices sur huit volumes, relève Le Devoir. Dans les années 1950, ses toiles à la texture épaisse, comme sculptée, grandes mosaïques composées à la spatule, sont recherchées par les collectionneurs. Sculptures en bronze ou mural de céramique connaissent le même succès. La violence de ses toiles étonne. "Quand j'hésite, je ne peins pas et quand je peins, je n'hésite pas", expliquera-t-il. "C'est l'art d'un trappeur supérieur", dit André Breton. Le visage aigu, les yeux sombres et la crinière abondante, Riopelle est alors au sommet de la gloire. Ami d'Alberto Giacometti, Samuel Beckett, Nicolas de Staël ou Jackson Pollock, il collectionne les voitures de course, possède un voilier et boit beaucoup. En 1959, cet homme au caractère difficile quitte sa femme et entame pour 20 ans une liaison tumultueuse avec l'artiste américaine Joan Mitchell. Plus tard, marqué par sa mort, il lui dédiera au début des années 90 "Hommage à Rosa Luxemburg", gigantesque fresque murale exposée au Musée du Québec.

Indépendant, admirateur de Monet et Matisse, Riopelle refuse de se laisser cataloguer et, dans les années 70, alors qu'il commence à renouer avec ses racines québécoises, il revient peu à peu à la figuration, au risque de déconcerter ses admirateurs. "La nature pour moi, c'est essentiel", dira celui qui fut l'un des premiers à être fasciné par l'art inuit; en "amoureux du Grand Nord", comme l'a salué mercredi le Premier ministre canadien Jean Chrétien. Alors qu'il vit de plus en plus coupé du monde, passant ses dernières années sur une île du Saint-Laurent avec sa compagne Huguette Vachon, ses toiles se fondent avec les paysages et se peuplent d'oiseaux sauvages, oies et hiboux. Jusqu'au bout épris de modernité, la tignasse grise, le visage marqué par une vie durant laquelle il ne s'est pas épargné, Riopelle peignait encore ces derniers temps à la bombe aérosol.

Par Jean-Louis PANY

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14.03.2002