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Marché

Paris, capitale éphémère du dessin

La 11e édition du Salon du dessin ouvre ses portes : simplicité des partis pris et concentration de pièces de qualité.


Paul-César Helleu, Quatre études
pour le portrait d'Ellen

© Galerie Emmanuel Moatti
Avec ses trois hommes coupés du monde, tant ils sont absorbés par les dessins que l'un d'eux sort d'un carton, Les collectionneurs en admiration d'Henri-Georges Bréard (5 000 euros), proposé par la galerie Kate de Rotschild, ferait une parfaite introduction au Salon du dessin… Le salon parisien reste en effet fidèle aux partis pris associatifs qui ont fait sa célébrité. Ici, nulle afféterie, rien que des œuvres exposées de manière minimaliste dans des stands uniformément beiges ou bruns. Seule la qualité des pièces fait la différence entre les exposants qui ne disposent d'aucun privilège et s'installent à des emplacements attribués au hasard. Preuve s'il en fallait de la régularité du «jeu», Hervé Aaron, l'actuel président de la société organisatrice du salon, a écopé d'un petit stand, situé dans un coin sombre qui précède le passage entre deux salles.

Pourtant, le public est averti et en ce jour de vernissage, collectionneurs et conservateurs ne déambulent pas innocemment. Les 25 exposants - les 9 membres de la Société du dessin ainsi que les collègues français ou étrangers qu'ils ont invités - constituent la fine fleur de la profession et leur réputation n'est plus à faire. Il n'est pas besoin de pancarte pour signaler la présence de Jean-Luc Baroni qui a récemment quitté la galerie Colnaghi pour créer sa propre structure et qui expose deux œuvres fameuses : une Etude de femme éplorée de Michel-Ange, acquise l'an passé à Castle Howard, auprès des descendants des comtes de Carlisle, et la Tête couronnée de lauriers attribuée à Lorenzo di Credi qui a détient le record de la meilleure enchère française de la spécialité pour l'année 2001. Il n'est pas nécessaire non plus de rappeler l'importance de la très ancienne galerie Agnew's de Londres ou de la galerie munichoise de Katrin Bellinger qui propose ici la monumentale Dame de charité de Jean-Baptiste Greuze, qui a déjà trouvé acquéreur, ou une belle Académie d'homme de Prud'hon sur papier bleu (440 000 euros).


Jean-Baptiste Greuze,
La dame de charité
© Galerie Katrin Bellinger
Que glane-t-on d'autre à travers ces stands ? On ne peut manquer de noter que le dessin ancien occupe le haut de l'affiche. Chez Eric Coatalem, les Trois polichinelles à cheval, un dessin à la plume et au lavis de Tiepolo, côtoie des sanguines de Watteau fixant les traits de figures de genre ou deux dessins de François Perrier, auquel l'antiquaire a consacré une exposition, à l'automne dernier. Bruno de Bayser présente la Paysanne au chou, une étude aux trois crayons de François Boucher pour la Vie pastorale et la saisissante Mort donnant de l'argent au Pape et à l'empereur pour traverser le Styx de Girolamo da Trevise. Du côté du 19e siècle, on trouve des oeuvres d'Adolph von Menzel, Caspar David Friedrich ou Hans von Marées auprès des zurichois Arturo et Corinne Cuéllar. Quant à la galerie Talabardon & Gautier, elle a mis l'accent sur le néoclassicisme et le pré-romantisme avec une étude mise au carreau par David pour Le groupe d'Hersilie, Les Sabines ou la très impressionnante huile sur papier de Tête d'homme barbu signée Pierre-Narcisse Guérin. Sans oublier les paysages français de Doré, Corot et Rousseau chez Paul Prouté ou l'intrigant fusain d'Odilon Redon, Sciapodes chez Brame & Lorenceau . Dans ce dédale, les œuvres modernes ne sont guère présentes. Le bruxellois Patrick Derom expose quelques dessins de Picasso et Matisse parmi les très belles feuilles de symbolistes belges (Spilliaert, Rops, Khnopff ou Minne) tandis qu'Isabelle Berès a mis en scène un ensemble de compositions abstraites de Frantisek Kupka et Jacques Lipschitz en face d'une série de lettres de Manet, illustrées de naïves aquarelles.


 Zoé Blumenfeld
20.03.2002