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Autopsie du surréalisme

À l’heure des grandes rétrospectives de Paris, Londres ou New York, une brêve présentation du surréalisme par Yvonne Duplessis vient à point.

D’où naît le surréalisme ? Du romantisme, explique Yvonne Duplessis. Rimbaud en est un précurseur parce qu’il s’est insurgé contre la condition humaine. Freud, également, en s’attachant particulièrement à la signification des rêves. Il y a aussi le philosophe Bergson, dont l'œuvre entière : «fait ressortir les limites de l’intelligence, qui ne peut s’exercer que sur le domaine de la matière alors que l’intuition permettrait de saisir la source même de l’être». André Breton, principal fondateur du mouvement surréaliste, reconnaît toutes ces influences. D’autres inspirateurs n’ont pas la même renommée. André Breton a rencontré Jacques Vaché, par exemple, en 1916 à l’hôpital de Nantes, alors que ce dernier était soigné pour une blessure. Selon André Breton, Jacques Vaché fut «maître dans l’art d’attacher très peu d’importance à toutes choses». Ce nihilisme, tant admiré, on le retrouve dans le mouvement Dada. Dès 1913, Marcel Duchamp expose aux Etats-Unis ses premiers «ready-made ». «Dada a détruit la notion traditionnelle de l’homme classique, il devait appartenir aux surréalistes d’en créer une nouvelle» résume Yvonne Duplessis. Le Premier Manifeste du surréalisme est publié en 1924. En 1929, André Breton bannit certains des fondateurs du mouvement, Artaud, Philippe Soupault et Robert Desnos. Les représentants purs et durs du mouvement restent : Louis Aragon, Paul Eluard et Pierre Unik. Bientôt, se joignent à eux Luis Buñuel, Salvador Dali ou Yves Tanguy, mais aussi René Magritte, Max Ernst ou Man Ray. À la mort d’André Breton, en 1966, le mouvement s’est étiolé depuis longtemps. Le surréalisme continue pourtant de susciter le plus vif intérêt. En témoignent les nombreuses expositions dont il fait l’objet en Europe, comme aux Etats-Unis.

Après cet aperçu historique, l’auteur aborde les éléments clés du surréalisme. Des cadavres exquis à l’écriture automatique, en passant par l’humour et le rêve sans oublier l’aliénation mentale, Yvonne Duplessis définit ce qu’elle considère comme les techniques surréalistes. Ainsi, André Breton découvre l’écriture automatique alors qu’il se trouve dans un état intermédiaire entre le rêve et la veille. Elle nous rappelle que les «cadavres exquis» sont nés d’un jeu. Chacun écrit, à tour de rôle sur un morceau de papier, un mot ou trace un trait. L’exemple célèbre donnera son nom à cet exercice : «Le cadavre – exquis – boira le vin nouveau.».

Le surréalisme a touché tous les domaines artistiques : la poésie, la peinture, le cinéma, le théâtre mais aussi l’architecture. Dans ce dernier domaine, s’il n’a pas à proprement parler de disciples, il a des maîtres : le facteur Cheval et son palais-labyrinthe chargé de symboles, Gaudi et la Sainte Famille qu’André Breton qualifie de «magnifique église tout en légumes et en crustacés». Enfin, le modern’style représenté par les entrées du métro parisien est adopté pour sa propension à exprimer «les sinuosités de la pensée». Dans un dernier chapitre intitulé : «La synthèse surréaliste», Yvonne Duplessis aborde l’aspect méta-moral, qui selon elle, est le propre du surréalisme. Une vision qui, par soif d’absolu, repousse une idée de Dieu trop humaine. L’aspect psychanalytique intervient également. En effet, les surréalistes reprennent une idée chère à Freud : la prise de conscience des désirs refoulés. Enfin, l’aspect social analyse la position des surréalistes par rapport à la société. Loin de se positionner en élite, dans une «contemplation, une fuite hors du réel», le mouvement montre que la pensée est commune à tous. Ces tendances sociales le dirigent vers une adhésion au marxisme. Les poètes deviennent alors des «guides de l’humanité, en marche vers un idéal».


 Laure Desthieux
07.05.2002