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Ben, Le marché de l’art s’écroule
demain à 18h30

© Adagp, Paris, 2001

Où en est le marché de l'art ?

Après la folle quinzaine des ventes new-yorkaises, retour sur l'analyse du rôle central des auctioneers, selon Harry Bellet.

Quand le journaliste chargé de la rubrique du marché de l’art au «Monde» aiguise sa plume pour rédiger un ouvrage sur son sujet de prédilection, on ne peut qu’être un peu abasourdi par l’ampleur du projet. Présenter les mutations actuelles du marché, marquées du fer de la mondialisation, tout en l’inscrivant dans une vision historique et synthétique, cela relève de la gageure ! Si le pari est tenu, cela tient au style vif et au regard presque ethnographique d’Harry Bellet. Plutôt que de se lancer dans de longues tirades théoriques, il a choisi de rester au plus près de la réalité : tranches de vies de collectionneurs et de galeristes ; suivi précis de la cote d’artistes soudainement adulés ou déchus ; évolution de l’implantation des galeries parisiennes et new-yorkaises… Tout est réuni pour que l'amateur intrigué puisse se forger des repères et que le lecteur averti découvre la face cachée des affaires dont il avait eu écho.

Reprenant comme titre le nom d’une œuvre de Ben qui, en 1990, se faisait l’annonciateur de la crise imminente, Le marché de l’art s’écroule demain à 18h30 commence par un état des lieux dressé en quelques raccourcis évocateurs. Septembre 1999. L’exposition des œuvres contemporaines de Charles Saatchi, au musée de Brooklyn, fait l’objet d’un scandale relayé par le maire de New York, Rudolf Giuliani : Christie’s sponsoriserait la manifestation pour gonfler la valeur de la collection de son client et la cote d’artistes qui figurent à sa vente d’automne d’art contemporain. Deux mois après, le record pour une œuvre de Chris Ofili quadruple lors d’une vente londonienne de Christie’s. L’artiste fait justement partie des «poulains» de Saatchi. Une semaine plus tard, l’une de ses créations présentée au musée new-yorkais sera d’ailleurs maculée de peinture par un fervent catholique qui la juge blasphématoire. Trois courts récits pour poser les premiers jalons. Les acteurs et les enjeux financiers du système artistique sont identifiés, tout comme les relations établies entre milieux institutionnel et marchand ou l’omnipotence des grands auctioneers.

Partant de ce constat, l’auteur reconstitue une histoire du marché de l’art. Pour la forme, il remonte jusqu’aux échanges de l’ère néolithique, monnayés à l’aide de gobelets campaniformes, et aux trafics de saintes reliques de l’époque médiévale… Pour autant, la démonstration se concentre essentiellement sur la place de l’art «de l’époque». Ce qui permet de suivre une transformation structurelle, depuis la relation directe entre artistes et galeristes, initiée par Paul Durand-Ruel, jusqu'au positionnement des maisons de vente dans le domaine de la création la plus contemporaine. En effet, cette prise de position introduit un déséquilibre lié à la capacité qu'ont les auctioneers de mobiliser immédiatement des capitaux conséquents. Un avantage d’autant moins négligeable que les frais de fabrication des œuvres monumentales de certaines étoiles montantes de la scène artistique, vont croissant…


 Zoé Blumenfeld
21.05.2002