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Expositions

Le grand œuvre de Victor Hugo

Avec près de quatre cents manuscrits et dessins, la Bibliothèque nationale accueille la principale manifestation du bicentenaire.


Victor Hugo, Le bateau-vision, pour
Les travailleurs de la mer, 1864-66
© BnF, département des manuscrits
L’homme océan. Avec ce titre, la Bibliothèque nationale se place sous le signe d’une métaphore dont Hugo est l’auteur, dans un texte qu’il consacre en 1863 au génie littéraire, et, en premier lieu, à William Shakespeare. «Il y a des hommes océans en effet. Ces ondes, ce flux et ce reflux, ce va-et-vient terrible, ce bruit de tous les souffles, ces noirceurs et ces transparences, ces végétations propres au gouffre, cette démagogie des nuées en plein ouragan, ces aigles dans l’écume… Tout cela peut être dans un esprit». Au-delà de l’image, dans laquelle on ne peut manquer de chercher une part autobiographique, ce titre semble un hommage à la place de la mer dans la carrière du grand homme. N’est-ce pas elle qui l’a isolé du monde après la condamnation à l’exil, décrété en 1852 par Louis-Napoléon Bonaparte ? Elle qui lui a en même temps donné un rôle à sa mesure ? Les vingt années passées dans les îles anglo-normandes le laissent penser. Celles-ci voient en effet l’aboutissement de l’œuvre littéraire et picturale, jusqu’à l’avènement d’une œuvre d’art totale, Les Travailleurs de la mer, illustrée par plus d’une trentaine d’encres antérieures ou contemporaines, consacrées aux mêmes thèmes : la mer, les îles, les rochers et les naufrages .


Victor Hugo, William Shakespeare,
manuscrit autographe, 1863
© BnF, département des
manuscrits
Bien entendu, l’exposition phare du bicentenaire de la naissance de Victor Hugo ne se limite pas à ce seul aspect. Et, si elle est moins importante que la précédente rétrospective («Soleil d’encre» au musée du Petit Palais en 1985), elle n’en est pas moins une exposition fleuve ! Près de quatre cents œuvres ont été réunies, provenant en majeure partie de la Bibliothèque nationale, à laquelle Victor Hugo, soucieux de sa postérité, a légué en 1881, «tout ce qui sera trouvé écrit ou dessiné par moi». Manuscrits, œuvres graphiques, photographies et objets retracent son cheminement, de ses premiers travaux, «les bêtises que je faisais avant ma naissance», jusqu’à ses dernières œuvres, composées après le retour de Guernesey : L’Art d’être grand-père ou Quatrevingt-treize. En même temps, elles illustrent les multiples facettes de son œuvre. Les recueils poétiques des années 1830 et les lettres envoyées à son épouse, Adèle, se rapprochent des rêveries immortalisées au crayon, à la plume ou à l’encre : détails architecturaux, paysages habités de lacs, de châteaux ou de ruines gothiques… Les caricatures politiques de ce contemporain de Daumier font écho aux textes pamphlétaires les plus engagés, Napoléon le Petit ou les Châtiments. Pour autant, on n’en sort pas moins saisi par la différence qui surgit entre des manuscrits spectaculaires, rédigés sur des papiers choisis pour leur qualité, consciencieusement annotés dans la large marge ménagée à gauche, et la liberté qui éclate dans les croquis de Tâches à la limite de l’abstraction ou dans les grandes compositions de burgs rhénans surgissant de paysages fantomatiques…


 Zoé Blumenfeld
02.04.2002