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Expositions

Renaissance de la tapisserie à New York

Le Metropolitan rassemble des chefs-d’œuvre de la tapisserie européenne des 15e et 16e siècles.


La Crucifixion et la Lamentation,
probablement réalisée par des lissiers néerlandais
travaillant à Venise, vers 1420–30
dessin attribué à Niccolò di Pietro, 1408–27
Museo della Basilica di San Marco, Venice
L’art de la tapisserie était celui des rois. Le coût d’une réalisation était si élevé que cela le réservait à quelques privilégiés. Il fallait un mois à un lissier pour accomplir un mètre carré. Cela pouvait aller jusqu’à deux mois dans le cas de pièces de haute qualité, réalisées avec des laines plus fines. En comparaison avec les tapisseries médiévales, celles de la Renaissance ont peu attiré l’attention. L’exposition en rassemble 41, présentées chronologiquement de 1420 à 1560. Ces prêts venus, entre autres, de collections royales européennes sont rares en raison de la fragilité et du grand format de ces œuvres. Elles sont accompagnées de 20 dessins préparatoires et cartons.


La Pêche miraculeuse. Dessin de
Raphaël, 1516 atelier de Jan van
Tieghem, Bruxelles, vers 1545–57
Soprintendenza per il Patrimonio
Storico, Artistico e Demoetno-
antropologico di Brescia, Cremona
e Mantova
Au 15e siècle, les ateliers néerlandais dominent le marché. Les Italiens, qui comptent parmi leurs principaux clients, installent pourtant quelques ateliers dans leur propre pays. La Crucifixion et la Lamentation (1408-27), dont le dessin est attribué à Niccolò di Pietro, est l'un des premiers exemples de cette volonté d’adapter l’esthétique italienne du début de la Renaissance, au support de la tapisserie. Au début du 16e siècle, si les tapisseries de Bruxelles s'exportent dans toute l’Europe, l’influence de l’art italien s’impose. La série des Actes des apôtres, sur des cartons de Raphaël, est réalisée dans l’atelier de Jan van Tieghem à Bruxelles. Cette commande du pape Léon X en 1515 pour la chapelle Sixtine reçoit un succès immédiat. Le développement du dessin de tapisseries aux Pays-Bas s’en trouve transformé. Parmi les artistes les plus influencés, figurent Pieter Coecke van Aelst et Bernaert van Orley. Ce dernier développe un style narratif, accompagné d’éléments décoratifs dans la tradition néerlandaise, auquel s’ajoute une présentation réaliste de personnages sur un arrière-plan en perspective démontrant l’inspiration italienne. La Mise à mort du sanglier (Mois de décembre), (1531-33), tirée des Chasses de Maximilien, en est un exemple. Pieter Coecke van Aelst est un élève de van Orley et sa carrière est significative. Il crée le carton de Persée délivrant Andromède, vers 1556.

Les petits ateliers fleurissent toutefois en Allemagne et en Italie. On sait qu’au 16e siècle le nombre de lissiers indépendants était également considérable en France. Ils naissaient et disparaissaient au gré des commandes qui leur parvenaient. L’Unité de l’Etat de Claude Badouin, achevée entre 1540 et 1547 dans un atelier de Fontainebleau, reflète ces productions locales. Après 1560, le déclin des tapisseries néerlandaises s’amorce. Les dissensions religieuses et les batailles font fuir les artisans vers des contrées plus clémentes dans le nord de la France ou en Allemagne. Bien que la tapisserie bruxelloise connaisse une certaine renaissance au début du 17e siècle, jamais elle ne retrouvera un tel succès et une telle production.


 Laure Desthieux
02.04.2002