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Trésors de pierres dures en Castille

Le catalogue d'Alvar González-Palacios, qui accompagne l'exposition du musée du Prado, est appelé à devenir un ouvrage de référence.

Né à Cuba mais résident italien depuis de nombreuses années, Alvar González-Palacios est un spécialiste reconnu dans le domaine des objets d'art. Esthète érudit au caractère tranché, dans la lignée d'un Mario Praz ou d'un Federico Zeri, il a signé plusieurs études devenues des classiques, comme celle consacrée au mobilier du Quirinal, le palais de la présidence de la République à Rome. Une autre de ses passions reconnues touche la mosaïque de pierres dures. Ayant autrefois passé au crible fin les collections du Prado, l'auteur propose maintenant un panorama exhaustif des pierres dures dans les collections royales espagnoles.

La technique des pierres dures remonte à l'Antiquité mais elle a connu son âge d'or dans la Florence des Médicis. Dans le principe, ce type de mosaïque fait appel à des pierres dont la dureté est égale ou supérieure à 6 sur l'échelle de Mohs (comme le lapis-lazuli ou l'agathe). En réalité, les ateliers utilisaient fréquemment des pierres plus tendres comme le marbre ou l'albâtre. Le goût du retour à l'antique explique la renaissance de cette technique, la manufacture florentine - la plus célèbre de toutes - étant fondée en 1588. L'actuel Opificio delle pietre dure, récemment réaménagé et toujours doublé d'un service de restauration réputé, en est le descendant direct. Comment la monarchie espagnole, de l'autre côté de la Méditerranée, a-t-elle pu se constituer une collection aussi magnifique d'oeuvres en pierre dures ? C'est ce qu'analysent en détail le catalogue et l'exposition.


Plaque sur fond blanc,
Florence, milieu du 17e siècle,
musée national du Prado
Le don par le cardinal Bonelli d'une table magnifique à Philippe II, en 1587, éveille la sensibilité des souverains ibériques à cette forme d'art décoratif. Mais il faudra attendre la dynastie des Bourbons, avec Charles III, qui règne à la fois sur l'Espagne et sur le royaume de Naples, pour assister à un mécénat plus direct. Charles III crée les manufactures de Naples (1737) puis de Madrid (1759). Cette dernière, dite du Buen Retiro, fera appel à des spécialistes florentins pour former sa propre main-d'oeuvre. Soucieux de tenir leur rang face à la royauté, les dignitaires ecclésiastiques et les grands d'Espagne - comme le duc de Lerma ou le duc d'Osuna - passent eux aussi de nombreuses commandes. Cette émulation explique l'abondance des pièces présentées, qui proviennent pour l'essentiel - hormis deux collections privées - du Prado, du palais d'Aranjuez, du Palacio Real ou encore du Museo Arqueológico Nacional. Le rassemblement d'oeuvres éparpillées entre plusieurs intitutions fait tout l'intérêt de l'exposition. Ainsi, le célèbre surtout de Luigi Valadier, divisé entre Palacio Real et Museo Arqueológico Nacional, est exposé au complet. L'Etat espagnol, qui vient d'acquérir à New York le pendant d'un plateau commandé en son temps par Philippe IV, ne semble pas favoriser un regroupement des collections. Il a en effet annoncé qu'il le destinait au... Museo Nacional de Artes Decorativas.


 Rafael Pic
31.08.2001