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Marché

Rossini connaît la chanson…

Depuis dix ans, Pascale Marchandet, de l'étude Rossini, œuvre pour ramener le marché du violon en France. Elle met aujourd'hui en vente un superbe instrument du 17e siècle.


Jacob Stainer, Violon portant
son étiquette …in absam,
1659

Estimation : 90 / 100 000 €
Si le nom «Rossini» semble prédestiné pour l’organisation d’une vente aux enchères consacrées aux instruments à cordes frottées, l’étude n’a pas attendu son agrément, obtenu le 14 février dernier pour se lancer dans ce marché… Tout a commencé il y a une dizaine d’années. Maître Pascale Marchandet, dont la mère est organiste, est passionnée de musique. Elle rencontre un jeune luthier parisien qui exerce également en tant qu’expert auprès des douanes françaises, Yann Ullern. Ensemble, ils dressent le constat suivant : dans le domaine de la lutherie, le marché de gré à gré est exclusivement concentré à Londres alors que 70% de la clientèle, acheteurs comme vendeurs, est française. Un état de fait lié aux spécificités fiscales autant qu’à l’histoire du marché. «Les commissaires-priseurs n’ont jamais travaillé de manière régulière avec des marchands et s’ils le faisaient, c’était mal vu. C’est ainsi que les grands experts tels que Marcel Vatelot sont restés à la vente marchande tandis que les enchères publiques se tenaient à Londres». D’où l’idée de parier sur la nouvelle organisation du métier pour «faire revenir le marché en France».

Depuis lors, maître Pascale Marchandet a organisé une vente thématique par an et établi le record français de 6,5 millions de francs pour un Stradivarius, en 1998. Cette fois-ci, le lot le plus attendu est un violon daté de 1659 et estimé entre 90 000 € et 100 000 €. Il a été créé par Jacob Stainer (1621-1683), un luthier autrichien issu de la prestigieuse école de Crémone, qui fut l’élève de Nicola Amati, tout comme Antonio Stadivari. Dans un état de conservation exceptionnel, l’instrument authentifié en 1909 par la maison Caressa-Français et en 2002 par Jean-Jacques Rampal est actuellement entre des mains privées. Selon toute probabilité, c’est un autre instrumentiste qui fera son acquisition aujourd’hui. «À l’exception de femmes de grands industriels, dont je ne citerais pas le nom, qui s’en servent pour jouer devant leurs amis ou de personnes qui cherchent à faire des «placements en violons», ces instruments sont acquis par des professionnels. Heureusement, car c’est consternant. Pour garder toute sa puissance, l’instrument doit être joué, et bien joué, régulièrement. Le violon est difficile et capricieux. S’il n’est pas utilisé, il devient aphone. Pour le remettre en voix, un musicien doit s’astreindre à en jouer quelques minutes tous les jours, toujours un peu plus longtemps». Un exercice laborieux auquel l’acquéreur de cet instrument au très beau timbre n’aura pas à se plier…


 Zoé Blumenfeld
08.04.2002