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Patrimoine

La Slovénie redécouvre son passé romain

L'extension d'un poste-frontière a permis la mise au jour d'un camp de l'ancienne province romaine de Pannonie.

OBREZJE (Slovénie), 31 mars (AFP) - Dans un site de collines verdoyantes, à la frontière croato-slovène, côté slovène, une cinquantaine d'archéologues s'affairent sur le site d'un ancien camp militaire romain, incongru dans cette partie du sud-est de l'Europe. Le camp, qui remonte sans doute à l'empereur Auguste (30 av. J.-C.), a été découvert par hasard lors des travaux d'extension du poste-frontière qui se trouve à cet endroit et qui ont commencé en septembre 2001. Candidate à l'Union européenne, la Slovénie modernise ses postes-frontières avec la Croatie, mis en place dans la hâte au moment de l'éclatement de l'ex-Yougoslavie en 1991, pour se préparer à devenir l'une des portes d'accès à l'Europe élargie.

Compte tenu de l'importance du site, qui s'étend sur plus de six hectares, les archéologues craignent de ne pas avoir le temps d'achever leurs fouilles avant le début des travaux du nouveau poste frontalier. "Il n'y a pas de fouilles de camps militaires romains datant de cette période ailleurs, dans le sud-est de l'Europe", explique à l'AFP Philip Mason, l'archéologue britannique qui dirige les travaux. Il souligne en outre que c'est le seul camp découvert sur le territoire de l'ancienne province romaine de Pannonie, ce qui fait de ce site "un lieu extrêmement important et dont la valeur dépasse le niveau national".

Des camps similaires, datant de la même période, ont été mis à jour en Allemagne, en France et en Belgique. "Si nous avions plus de temps, nous pourrions établir les documents concernant la majeure partie du site et fouiller les structures importantes", a-t-il ajouté. Mais son équipe ne dispose que de deux semaines, un délai imposé par le gouvernement slovène et la société de construction de l'autoroute qui passera à l'endroit des fouilles. Environ 200 fosses ont été découvertes à l'intérieur du camp, de forme rectangulaire et entouré de deux douves doubles. Certaines servaient de stockage et l'on y retrouve amphores, vases et coupes cassées. Des outils en métal, des pièces d'armement et du matériel pour le soin des chevaux ont également été mis à jour. Dans un terrain proche, on a retrouvé quatorze fours et fourneaux pour le travail du fer. Enfin, des bijoux d'or et de bronze ont été mis à jour, dans un cimetière remontant à 900 av. J.-C. Au rang des découvertes, on souligne des moitiès de pièces romaines : les légionnaires des marches de l'empire romain étaient payés en pièce de grande valeur et avaient pris l'habitude de les couper en deux pour payer leurs achats, faute de petite monnaie.

A cet endroit de l'Europe, les troupes romaines, fortes de 500 à 1.000 hommes, avaient établi des camps pour contrôler les routes stratégiques qui reliaient le nord de l'Italie à l'important centre de Siscia (l'actuelle Sisak, au centre de la Croatie), ou à Senj (nord-ouest de la Croatie). Situé au bord de la vallée de la Save, qui s'ouvre vers Zagreb et Sisak, le camp avait servi de base de départ pour la conquête de la Pannonie. "C'est un endroit stratégiquement très important et ce n'est pas un hasard si la frontière passe justement ici", ajoute M. Mason. Le camp aurait servi de centre à l'administration militaire pendant toute une génération, avant que les troupes ne l'abandonnent pour se lancer dans de nouvelles conquêtes vers l'est. "Le site est crucial pour la compréhension de la phase primaire de la conquête romaine et de ce que sont aujourd'hui la Slovénie, la Croatie, la Hongrie et probablement des parties de l'Autriche", ajoute M. Mason. Son équipe envisage de fouiller un autre site proche où ont été découvertes des traces de camps de l'âge de bronze avant qu'on ne construise là aussi un centre commercial.

par Zeljka BILANDZIJA
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  AFP
03.04.2002