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Expositions

Parures des archipels

La nouvelle exposition de la fondation Mona Bismark offre un avant-goût du musée du quai Branly.


Parure, île de Nias, Indonésie,
musée quai Branly, donation
Barbier-Mueller
© Photo : P.A. Ferrazzini
Depuis la fondation Mona Bismark, avenue de New-York, on aperçoit, de l’autre côté de la Seine, les grues qui s’activent à la construction du musée du quai Branly. Hasard d’emplacement ou non, c’est ce lieu qu’ont choisi Monique et Jean-Paul Barbier-Mueller pour présenter les 252 pièces de leur donation au département asiatique du futur établissement. Cette collection, Jean-Paul Barbier-Mueller l’a commencée au début des années 1970, en acquérant une parure en feuille d’or repoussée portée par les femmes nobles de l’île de Nias, au large de Sumatra, lors de l’étalage rituel des richesses familiales. Pendant les quatorze années qui ont suivi, il a constitué cet ensemble de bijoux rituels venus des différentes régions de l’Insulinde, illustrant ainsi la variété de techniques employées à travers les îles. Car, contrairement à ce que le titre de l’exposition suggère, l’«Or des îles» réunit également des bracelets en laiton batak du nord de Sumatra aux formes étrangement africaines, un collier de chasseurs de tête composé de rondelles de coquilles de noix de coco sur un fil de bronze, des boucles d’oreille masculines taillées dans des becs de calaos par les Dayak, des hautes terres de Bornéo, des colliers de coquillages assemblés sur une structure en vannerie de l’île de Florès ou des peignes féminins sculptés dans des écailles de tortue de l'île de Sumba…


Peigne en os et bois, sud des
Moluques, musée quai Branly,
donation Barbier-Mueller
© Photo : P.A. Ferrazzini
Au-delà de cette diversité, l’intérêt de cette exposition réside dans la mise en relation de ces ornements avec d’autres objets qui concourent à donner une image plus riche de ces cultures. Des sculptures permettent de visualiser l’utilisation de ces bijoux, comme la figure d’un ancêtre fondateur portant sur la poitrine un pendentif marangga constitué de deux triangles en feuille d'or se rejoignant. Ce bijou cher aux petits rois de l’île de Sumba, dans l’archipel de la Sonde, était si sacré qu’il n’était extrait des greniers des maisons qu’avec de grandes précautions, parfois en sacrifiant un animal. Associés aux cartels rédigés d’après les notes ethnographiques prises sur le terrain par Susan Rodgers, d’autres illustrent l’importance symbolique de ces ornements. Ainsi, une statuette en bois dur de l’île de Nias représente un chef défunt paré de son principal attribut, une haute coiffe sur laquelle étaient cousues des feuilles d’or qui symbolisaient sa puissance d’«arbre cosmique». Ces figures côtoient également des éléments de costume, textiles rougeoyants brodés de fils d’or, ikats multicolores, vêtements en écorce battue et peinte ou cotons enrichis de perles de verre de l’île de Sulawesi. Tous remplissent en effet un rôle d’ornement à part entière, comme un ensemble pour guerrier toraja, à la limite entre armement défensif et parure. Il est constitué d’un casque et d’une «jaquette» noirs, sur lesquelles se découpent les silhouettes blanches des disques de coquillages, ainsi que d’un collier en bois et osier sur lequel sont fixées des défenses de sanglier qui renforcent la virilité de celui qui les porte.


 Zoé Blumenfeld
22.04.2002