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Marché

Les Indiens attaquent le marché

Signe avant-coureur ou vente exceptionnelle ? Des objets d'Indiens d'Amérique du Nord collectés par Yves Berger seront dispersés cet après-midi à Drouot.


Mocassins d'adulte Cheyenne, 1870
(2 400 €), Un gant Santee Sioux, 1865
(230 €), Bonnet d'enfant Sioux Oglala,
1885
(1 200 €), Mocassins d'enfant
Arapaho du Nord, 1865
(380 €)
Voilà près de trente ans que la France n’avait pas accueilli de vente aux enchères exclusivement consacrée aux Indiens d’Amérique du Nord. Après avoir servi d'experts lors de la dernière d’entres elles, organisée le 3 décembre 1974 par maître Binoche, et après avoir participé à la vente de charité de Guy Loudmer au profit de l’American Indian Movement, en 1975, les experts André Schoeller et Daniel Dubois collaborent aujourd’hui avec la maison Millon & Associés, rejoints par le fils d’André Schoeller, Éric. Ce 15 avril est une date à retenir si l'on en croit ce dernier. Le cabinet d’experts est en effet en passe de créer un département spécialisé et annonce déjà une seconde vente pour le mois de décembre prochain. Pourquoi un tel changement ? Selon Éric Schoeller, une opportunité nouvelle se présente, liée à la conjoncture. Depuis la fermeture du département précolombien et indianiste de Sotheby’s, l’été dernier, Christie’s est devenu le seul intervenant de poids sur ce marché. Un champ se libère donc alors que le musée du quai Branly poursuit sa campagne d’acquisition et que le premier musée consacré aux Indiens d’Amérique du Nord, le National Museum of the American Indians, doit ouvrir ses portes en 2004 sur le Mall, à Washington. Alors aussi que la cote atteinte par les objets africains et océaniens rend cette partie du marché des arts primitifs inaccessible à la plupart des collectionneurs.


Thomas L. Mc Kenney & James
Hall, History of the indian tribes
of North America
, 3 volumes,
120 planches. Lithographie :
Young Ma-Has Ka, chief of the
Ioways
. Est. : 30 500 €
La vente d’aujourd’hui se devait donc de marquer les esprits. Et la dispersion de la collection d’une personnalité aussi médiatique qu’Yves Berger tombait à point nommé. L’écrivain hanté par le rêve américain a en effet choisi de se séparer de quarante-cinq œuvres acquises dans des enchères publiques ou auprès de marchands, la plupart antérieures aux années 1880 qui voient la création des premières réserves. Parmi ces objets, nombreux sont ceux qui attisent l'imagination. Gants, bonnets et mocassins en peau de bison doublés de tissus européens et ornés de perles de Murano plongent à l’époque des premiers échanges avec les Européens, tout comme une étonnante boîte en écorce de bouleau Huron des années 1820 portant un motif de soupière Louis XV (1 200 €). Un calumet Dakota au manche torsadé représentant une grue «plongeant» vers le fourneau (7 600 €) et des cuillers cérémonielles sculptées de représentations totémiques dans la corne de mouflon par les Tlingit d’Alaska (entre 1 800 € et 4 600 €) font resurgir un univers fondé sur la relation entre les hommes et la nature. Une ancienne coiffe Blackfeet ornée de peaux d’hermine et d’une couronne de trente plumes d’aigle royal (10 600 €) devrait faire rêver les amateurs. À l’exception toutefois des Américains dont les lois fédérales prohibent le commerce de plumes d’aigles. Quant aux plus collectionneurs les plus pointus, ils devraient s’enthousiasmer pour les trois volumes de l’édition originale d’History of the Indian Tribes of North America (30 500 €), l’ouvrage de Thomas L. Mc Kenney, un chercheur passionné qui avait entrepris de dresser la biographie et le portrait des principaux chefs indiens.


 Zoé Blumenfeld
15.04.2002