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Expositions

La Savoie sort de l’ombre

Le musée d’art et d’histoire de Genève fait le point sur la Renaissance en Savoie à travers une exposition dossier.


Collaborateur de Defendente
Ferrari, Portement de croix, vers
1515-1518. Tempera grasse sur
bois de conifère, 116 x 64,5 cm,
Genève, Musée d'art et d'histoire,
Dépôt de la Fondation Jean-Louis
Prevost © photo : Jean-Luc Elias,
Bruxelles
Pourquoi ce thème d’exposition ?
Frédéric Elsig, commissaire de l'exposition.
Cette exposition est avant tout un constat sur la situation géopolitique de la région. Au début du 16e siècle, durant le règne de Charles II (1504-1553), un transfert politique s’effectue du pôle francophone vers le pôle italophone. Cette dissociation a impliqué une migration du Piémont vers la Savoie francophone matérialisée par des envois d’œuvres et des déplacements d’artistes. Il est intéressant de constater ces bouleversements dans une période de déclin et d’invasions. Cette exposition n’est qu’un point de départ dont l’objectif est de faire prendre conscience de l’importance d’un patrimoine sous-estimé et de vérifier des hypothèses. Les analyses menées sur les œuvres exposées sont d’ailleurs présentées parallèlement aux peintures et sculptures originales.



«La Renaissance apporte une dimension nouvelle de la construction et de la représentation artistiques ( ... ). Elle est l’époque du décloisonnement. » (Erwin Panofsky, L’œuvre d’art et ses significations)

Comment qualifiez-vous les créations de cette période ?
Frédéric Elsig.
Compte tenu de son emplacement, le duché de Savoie a bénéficié d’influences diverses. Entre la fin du 15e siècle et le début du 16e siècle, la partie francophone de la région subit un appauvrissement. Si on continue à constater une forte implantation d’un style germanique, on peut noter une influence française de plus en plus présente, surtout en provenance de Lyon et de Bourges. C’est sur ce terreau franco-germanique qu’est venu se développer un style issu de la Renaissance italienne. Malgré le manque de documents attestant du transport des œuvres et de la mobilité des artistes, nous avons pu découvrir certaines personnalités comme Defendente Ferrari ou encore Jean Baudichon, aujourd’hui clairement documenté. Peintre d’origine flamande ou bourguignonne, il a travaillé à Lyon puis entre Chambéry et le Val d’Aoste dans les années 1510-1520.


Collaborateur de Defendente
Ferrari, Adoration des bergers,
vers 1515-1518. Tempera grasse
sur bois de conifère, 116 x 64,5 cm
Genève, Musée d'art et d'histoire,
Dépôt de la Fondation Jean-Louis
Prevost © photo : Jean-Luc Elias,
Bruxelles
Comment avez-vous choisi de présenter ces découvertes ?
Frédéric Elsig.
Très peu d’œuvres de cette période sont parvenues jusqu’à nous en raison des destructions successives (Réforme, Révolution française, etc...) Les dix peintures que nous présentons constituent la quasi-totalité de la production conservée. Au contraire, les quatre sculptures exposées en constituent une infime minorité. L’exposition s'organise autour de trois groupes caractérisés par l’intervention de personnalités différentes. D’une part, le mécénat de Claude d’Estavayer, abbé de Hautecombe et conseiller de Charles II, qui est à l’origine de nombreuses œuvres dans la deuxième décennie du 16e siècle. D’autre part, Louis de Seyssel qui a commandé l’immense retable de l’église des Carmes de La Rochette, vers 1515, nous a permis de mettre en évidence un groupe stylistique influencé par la région du Piémont. La troisième partie de l’exposition propose de découvrir le travail d’un peintre piémontais, « le maître du Couronnement de la Vierge de Biella », à l’origine du retable de la cathédrale de Saint-Claude, commandé par Pierre de La Baume, ou encore du triptyque récemment acquis par le Museo Civico de Turin.

Parlez-nous de ce dernier.
Frédéric Elsig.
Ce retable aurait été commandité par François de Breul, aumônier de la cathédrale de Saint-Claude, vers 1533. Il s’agit d’un triptyque à volet mobile, comme il était courant d’en rencontrer dans le nord des Alpes. La Crucifixion du panneau central est entourée de deux volets, l'un représentant Saint Jean-Baptiste, l'autre dédié à François de Breul. Une Annonciation en grisaille décore la face externe de ce retable. D’autres pièces méritent une attention particulière comme cette Assomption de Romont réalisée par un élève de Defendente et dont les repeints ont pu être datés. Par une analyse stratigraphique des couches picturales, toute l’histoire de l’œuvre a été rendue visible.


 Stéphanie Magalhaes
17.05.2002