Home > Le Quotidien des Arts > Espagne : la guerre civile dans l’objectif

Expositions

Antoni Campañá, Combattant républicain, 1936, collection des frères Campañá, Barcelone


Agustí Centelles, Combattant républicain, membre des colonnes Roja y Negra et Los Aguilichos, quelques instants avant de partir pour le front d'Aragon, Barcelone, 28 juillet 1936, © Archives Agustí Centelles, Barcelone


Photographie attribuée à Azqueta, Vue générale de Guernica, 26 avril 1937, © Biblioteca Nacional, Madrid


Espagne : la guerre civile dans l'objectif

1936-1939 : l'Espagne se déchire. Pour la première fois dans un conflit, la photographie est utilisée à grande échelle. Entretien avec David Balcells, commissaire de l'exposition.

La guerre d'Espagne, triomphe de la photo ?
David Balcells. On peut parler de beaucoup de "premières fois" pour la guerre d'Espagne. C'est la guerre qui a vu les premiers grands bombardements de populations civiles (à Madrid), le premier bombardement en vue d'anéantir une ville (Guernica) ou le premier pont aérien de l'histoire (par Franco entre Tétouan et Séville). C'est aussi la première guerre dans laquelle la photo a joué un rôle de cette importance, grâce à des appareils désormais maniables comme le Leica. Avant, il fallait attendre la fin de la bataille pour installer le trépied... Les journaux étaient eux aussi capables de traiter beaucoup plus vite les images. Du côté républicain plus que chez les nationalistes, on a accordé une grande importance à la photographie. Le commissaire à la propagande de la Generalitat de Catalogne, Jaume Miravells fournissait des laboratoires pour le développement, distribuait des laissez-passer ou réservait des places dans les avions militaires.

L'exposition permet-elle de réévaluer certains photographes ?
David Balcells. On retient généralement le nom des grands photographes étrangers qui ont couvert la guerre, souvent pour des journaux français. Beaucoup de ces professionnels, comme Hans Namuth, étaient déjà sur place puisqu'ils devaient assister à Barcelone, le 19 juillet, à l'ouverture des Jeux Olympiques populaires, organisés en opposition à ceux de Berlin. Les photographes espagnols étaient aussi, sauf exception, des professionnels mais leurs photos n'ont pas été diffusés après la guerre, ce qui explique leur faible notoriété actuelle. C'est le cas d'Agusti Centelles, qui avait, au début de la guerre, un studio réputé à Barcelone. Ses archives sont longtemps restés cachées en France. Parmi les photographes français, qui travaillaient notamment pour Vu et pour L'Illustration, il faut citer André Papillon, qui a illustré l'exode espagnol en France.

La fameuse photo de Capa montrant un milicien tombant au front, est-elle vraie ou s'agit-il d'une pose ?
David Balcells. On a beaucoup glosé sur le sujet. Pour ma part, j'ai vu les différentes séquences tirées par Capa au cours de cette attaque de tranchées et la photo me semble authentique. Les mémoires de Miravelles, qui raconte la satisfaction de Capa lorsqu'il lui a montré cette photo, semblent le corroborer. Cela dit, Centelles lui-même, et d'autres, ont parfois attendu que le feu passe pour demander aux soldats de rester à leur place et réaliser ainsi un cliché sans risquer leur vie.


 Rafael Pic
24.08.2001