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© Robert Laffont

Caravaggio, qui es-tu ?

A quelques jours de l'anniversaire de sa mort, une biographie romancée cerne l'enfant terrible de l'art italien.

«Eh bien, te voici arrivé. Étendu dans cette cabane de pêcheurs où on t’a traîné. Car on t’a traîné comme le thon dans un filet. Je viens de voir l’ornière de ton corps qui dénonce ton dernier passage dans le sable noir. Tu as dû tomber tout près de la mer, derrière une dune, et mourir, après une nuit peut-être à essayer de rameuter ton souffle et les battements de ton cœur». La scène se déroule à Porto Ercole, une petite cité au sud de la Toscane, en juillet 1610. Le narrateur, c’est Onorio Longhi, un architecte né une quarantaine d’années plus tôt, à Viggiù. Quant au corps étendu, c’est celui de son ami d’enfance, Michelangelo Merisi, dont la réputation s’est établie à Rome sous le nom de son village d’origine, il Caravaggio.

À travers la quête d’Onorio, abasourdi par le destin de l’un des plus grands peintres de son temps, Christian Liger, universitaire passionné d’histoire et de littérature, mène la sienne. Il entraîne ses lecteurs à remonter le temps pour comprendre les causes de cette mort solitaire. Pas à pas, on suit ainsi l’arrivée du jeune peintre dans une Rome fourmillante d’artistes aussi ambitieux que lui. On assiste à ses premiers succès, orchestrés par maître Valentin, le marchand de tableaux conquis par l’Extase de Saint François, qui l’introduit auprès d’un grand mécène humaniste, le cardinal Del Monte. C’est dans la sérénité de sa villa que Caravage composera certaines de ses toiles les plus célèbres comme la Vocation de Saint Matthieu et le Martyre de Saint Matthieu pour la chapelle Contarelle à l’église Saint-Louis-des-Français. Puis on assiste à sa lente chute : le refus des commandes religieuses par le Conseil de l’église, le duel dans lequel il tue Ranuccio Tomassoni, la condamnation à mort édictée par le Pape qui s’en suit, la fuite à La Valette où il travaille pour le Grand maître de l’ordre de Malte, Alof de Wignacourt, avant d’être à nouveau contraint à l’exil…

Mais l’auteur fait œuvre de romancier, il ne cherche pas à rédiger un essai d’histoire de l’art. Avec talent, il s’attache à faire revivre un monde bouillonnant : celui des petits artistes dont le nom n’est pas passé à la postérité, celui des grands seigneurs et de leur cour, celui du petit peuple dans lequel Caravage se baignait pour trouver les modèles et l’atmosphère d’un nouvel art qui consiste en des «images terrestres, saisies cependant dans la lumière de Dieu». Mais, à débusquer les contradictions d’un homme provocateur et outrancier et d’un artiste exigeant, l’auteur laisse un peu sur sa faim celui qui voudrait connaître son œuvre…


 Zoé Blumenfeld
09.07.2002