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Toulouse-Lautrec : «l'affiche, c'est moi»

Notre campagne présidentielle s'accomoderait bien du trait nerveux de l'artiste fin de siècle. Une leçon de fraîcheur par l'un des premiers fils de pub

En feuilletant ce hors-série Découvertes Gallimard, on ne peut s’empêcher de penser à Pierre Marchand, le sorcier de l’édition récemment décédé. Il est à l’origine, avec des partenaires italiens, de ce format original, où certaines pages non massicotées, en se déployant, multiplient par quatre la taille de la page utile. Ou comment passer, par un tour de passe-passe, du médiocre in-seize de nos livres de poche à un in-quarto agréable aux yeux fatigués par la lecture sur ordinateur. Et surtout plus convenable pour déchiffrer la graphie de l’artiste pied-bot…


La Troupe de Mlle Eglantine, 1896
Complément de l’exposition au musée Maillol, l’ouvrage est dû à son conservateur, Bertrand Lorquin. Il montre combien Toulouse-Lautrec savait émettre ce que les hommes politiques recherchent désespérément : des symboles forts. Avec ses magnifiques noirs, ses vides savants, ses courbes qui préludent à l’Art nouveau – voir le dossier du siège de Jane Avril dans le Divan japonais - ses angles originaux – le bel Aristide vu de dos – produisent sans coup férir une série d’icônes. Un siècle plus tard, elles se vendent encore comme des petits pains sur les Grands Boulevards et leur succès n’est pas près de s’éteindre.

Toulouse-Lautrec entre dans l’affiche en 1891 avec son Moulin-Rouge et en sort en 1899 avec une commande de Jane Avril. En cette petite décennie, il travaille essentiellement pour le monde des spectacles et pour l’édition, avec les couvertures de la «Revue blanche» ou celle des mémoires de l’abbé Faure, Au pied de l’échafaud. Mais aussi pour l’industrie des loisirs : sur l’affiche de la chaîne Simpson, Mac Orlan voit dans les cyclistes autant de «scarabées rutilants». Si Toulouse-Lautrec n’était pas mort aussi jeune, en 1901, que n’aurait-il pas fait ? La question est oiseuse : en peu d’années, l’Albigeois a installé un style indélébile, qui est devenu le symbole du «gai Paris» à travers le monde.


 Rafael Pic
12.04.2002