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Michelangelo Pistoletto : «Il faut donner du poids aux petites choses»

Le patriarche de l'Arte Povera est directeur artistique de la Biennale internationale des jeunes de Turin. Il nous livre ses réflexions sur l'art contemporain.


Michelangelo Pistoletto
© Bruna Biamino
Présentez-nous BIG.
Michelangelo Pistoletto.
La première édition a eu lieu il y a deux ans, avec seize commissaires différents. On m’a appelé pour coordonner cette deuxième édition. C’est un travail passionnant. Pour moi, nouer ainsi des liens de créativité entre les personnes, c’est presque comme une performance. BIG, c’est la Biennale Internationale des Jeunes (Biennale Internazionale Giovani), ouverte au moins de 35 ans. Je n’en fais bien sûr pas partie, j’ai désormais deux fois cet âge ! Mais BIG, c’est aussi ce que j’appelle le Big Social Game, l’idée du jeu qui peut régir le rapport de l’art à la société.

Où se déroule BIG ?
Michelangelo Pistoletto.
Le cœur de la manifestation est à la Cavallerizza Reale de Turin, un lieu fascinant, détruit par le temps, où sont présentés 60 travaux. Trente autres sont dispersés dans la ville. A côté des arts visuels, nous avons également des manifestations liées à la danse, à la musique, à la gastronomie, chacune de ces disciplines étant mise en avant durant une semaine.

Les artistes d’aujourd’hui sont-ils impliqués socialement ?
Michelangelo Pistoletto.
Je pense que beaucoup d’entre eux observent. La dimension qui me frappe dans l’art des jeunes, c’est son aspect provocateur, polémique. Dans les travaux exposés dans cette Biennale, on trouve bien sûr une recherche de nouvelles directions. Mais on remarque tout autant un désintérêt quant à la façon de changer la société. C’est une approche souvent marquée au sceau de «l’art pour l’art».

Etait-ce différent de votre temps, avec l’Arte povera ?
Michelangelo Pistoletto.
Avec l’Arte povera, on donnait un poids aux petites choses, aux choses qui n’étaient pas considérées comme importantes. Il y aurait, je pense, un besoin du même ordre aujourd’hui, afin d’unir le local et l’universel. Comment y parvenir ? Il faut intervenir dans les «plis du réel», au niveau par exemple de la production, de l’économique. Au laboratoire que j’ai créé à Biella, on part du produit original, le plastique ou la laine, et l’on refait le voyage de la production, de la consommation. A titre d’exemple, un artiste a examiné la quantité d’énergie utilisée par la filature Zegna, également implantée à Biella, à toutes les étapes du circuit : l’énergie consommée par le mouton, par les machines, par le travail humain, etc. Il en a nourri son travail et l’a retranscrit en étiquettes sur les vêtements.

BIG a également une section internet.
Michelangelo Pistoletto.
Internet revêt bien sûr une grande importance dans la communication, l’échange entre les personnes, à travers de grands territoires. Mais le risque existe qu’on en reste à la simple dimension ludique.

Alleanza Nazionale, le parti de la droite nationaliste, vient de vous rappeler à l’ordre, peut-être à la suite des résultats de Le Pen en France.
Michelangelo Pistoletto.
Alleanza Nazionale nous a accusés de ne faire que des choses trash, où tout est bon à jeter. Ils voudraient un art fait à leur façon. Mais nous ne savons pas le faire, nous, cet art qui leur convient ! Peut-être vont-ils nous l’enseigner.


 Rafael Pic
26.04.2002