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Politique culturelle

Klimt, aux bons soins de l'arbitre

Les premiers résultats de la médiation effectuée par l'État de Californie entre l'Autriche et Maria Altmann devraient bientôt être connus.

Le Belvédère est actuellement en pleine préparation d’une exposition consacrée aux paysages de Klimt. Avant d’ouvrir ses portes à Vienne, à l’automne prochain, elle sera présentée au Sterling and Francine Clark Institute de Williamstown à partir du 16 juin dans le cadre d’un programme consacré à trois créateurs viennois des années 1900 : Gustav Klimt, Otto Wagner et Josef Hoffmann. Trois importants paysages appartenant à la galerie nationale autrichienne n’y figureront pourtant pas. Buchenwald, Maisons à Unterach sur le lac Atter et le Pommier I font en effet l’objet d’un litige entre l’État autrichien et l’héritière d’un important collectionneur juif dont les biens ont été spoliés en 1938, Maria Altmann. Et le Belvédère souhaite sans doute éviter une impasse telle que celle que connaît un autre musée viennois, le musée Léopold. Ce dernier est en effet privé du Portrait de Wally d’Egon Schiele, une toile qui fait l’objet d’un litige similaire et que le MoMA de New-York retient depuis qu’elle lui a été prêtée pour une rétrospective, en 1997.

En quoi consiste «l’affaire des Klimt» ? Elle est à la fois banale et exceptionnelle. Banale puisqu’il s’agit d’une affaire de restitution de biens spoliés par les Nazis. Après l’Anschluss, la collection de porcelaines et de tableaux anciens de Ferdinand Bloch-Bauer a en effet été saisie ainsi que cinq toiles de Gustav Klimt : nos trois paysages et deux portraits de son épouse, Adele Bloch-Bauer. Dans les années qui ont suivi, Ferdinand Bloch-Bauer s’est exilé en Suisse tandis que ses chefs-d’œuvre ont rejoint les collections des musées de Vienne, Munich ou Dresde. Depuis longtemps déjà des démarches ont été entamées pour que les œuvres de Klimt, présentées au Belvédère, soient restituées aux descendants du couple. Selon le quotidien autrichien, «Die Presse», le frère aîné de Maria Altmann, Robert Benthley, aujourd’hui décédé, avait chargé un avocat viennois de cette mission. Mais, en 1948, Maître Rinesch échoua. Deux jours seulement après avoir pris connaissance des actes testamentaires de 1926 dans lesquels Ferdinand Bloch-Bauer exprimait sa volonté de voir ces œuvres présentées dans un musée d’État, sa plaidoirie démontra au contraire que ces toiles appartenaient au Belvédère.

Cette histoire est cependant exceptionnelle par l’ampleur judiciaire qu'elle a prise. La procédure a en effet été relancée à Los Angeles, la ville dans laquelle s’est installée Maria Altmann après avoir quitté Vienne. L’avocat choisi par l’héritière de 86 ans n’est pas un néophyte dans ce domaine. E. Randol Schoenberg, le petit-fils du compositeur viennois, est membre de la délégation officielle américano-autrichienne de juristes chargée des négociations concernant la restitution de biens pillés à des familles juives pendant l’Holocauste. Si ses démarches sont jusqu’ici restées sans succès, l'affaire devrait connaître un véritable tournant dans les jours à venir. Fait sans précédent, la cour d’appel fédérale a en effet choisi l’État de Californie comme médiateur du conflit qui oppose l’Autriche et Maria Altmann. Cette disposition a été confirmée le 20 mars dernier par les juges de la cour de Pasadena qui ont estimé que la médiation pourrait aboutir à un accord qui servirait mieux les parties qu’un procès. Les premiers résultats de cette médiation devraient être connus d’ici quelques jours. Reste à savoir si les deux parties auront joué le jeu.

Interrogé par «The Art Newspaper», E. Randol Schoenberg déclarait qu’«il y a à peu près mille manières de résoudre cette question hors de la cour mais que pour cela, il faut que les deux parties le souhaitent», arguant du fait qu’il a toujours été ouvert pour une solution à l’amiable et que l’âge de sa cliente ne permet pas de s’engager dans une procédure sans fin. Cependant, les prises de position dont la presse autrichienne se fait écho laissent planer un doute sur l’efficacité de la méthode. Ainsi, un article de «Die Presse» du 2 avril s’insurge contre la campagne publicitaire lancée sur internet par l’avocat sous le nom de «Volés par l’Autriche» et démontre que les toiles appartiennent bien au Belvédère tandis que «Die Standard» déplore ne pouvoir recueillir d’interview de la ministre des Beaux-Arts sur cette question et devoir se contenter de la déclaration de son représentant, Ronald Zecher : «Les peintures doivent être soit rendues dans la légalité ou pas du tout. La question est de savoir si la justice américaine est compétente dans ce domaine».


 Zoé Blumenfeld
30.04.2002