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Expositions

Franck David, le néo-surréaliste

Un jeune artiste installe, au Palais de Tokyo, ses histoires d'œufs et de reflets. L'héritage du poète André Breton et de ses amis est bien vivant…


Franck David, Installation 1
© Palais de Tokyo
Une série d'étagères, alignées avec la discipline d'une arrière-boutique de quincaillerie. Sur chacune d'elles, des objets quotidiens, trouvés ou choisis, sont sagement disposés. Tous sont protégés par un sac plastique publicitaire soudé venant d'un musée d'art contemporain ou vante les qualités d'une soupe lyophilisée. Derrière les étagères, une installation met en scène des œufs pourris, peints de couleur argent, une vitrine dans laquelle sont suspendus des bas de femme, un tourne-disque en marche dont le diamant frotte à l'infini la galette plastifiée habituellement destinée à recevoir un disque. Cela provoque, dans les haut-parleurs, un grincement laconique, hoquetant pouvant s'apparenter à un battement de cœur. Il y a aussi une grande structure constituée de couvertures de survie, gonflée à l'air chaud. On pourrait ainsi continuer à décrire longtemps les objets mis en scène, au Palais de Tokyo, par Franck David. «À la fois, c'est très précis et en même temps on ne sait pas très bien ce que ça raconte. Il n'y a pas une interprétation. À chacun son expérience», dit-il, en enfournant une grosse part de brioche, à la cafétéria du Palais. «Moi, j'adore ce lieu. Je m'y sens super bien».


Franck David, Installation 2
© Palais de Tokyo
À peine sorti de l'école des Arts Appliqués et après avoir beaucoup voyagé, voilà un jeune homme dont la première exposition institutionnelle parisienne affine un certain nombre d'obsessions, sublimées, qui figuraient déjà dans ses premières œuvres, immédiatement repérées par les commissaires d'expositions d'art contemporain («La beauté», à Avignon en 2000, par exemple). «Brouiller la lecture, noyer les sens, les couches, jusqu'à ce que je me sente complètement apaisé. Le «qu'est-ce que ça veut dire ?», je m'en fous complètement». De Beuys à Christo en passant par Cornell, les références post-surréalisantes de l'ensemble sont évidentes. Il est ici question de récupération et de métamorphose. De rencontre fortuite et de beauté inquiétante. Tout comme dans le catalogue qui accompagne l'aventure : il s'agit en fait du catalogue d'un autre artiste, photocopié et reproduit sur des pages fluorescentes. David a simplement barré les paragraphes de textes qui ne lui correspondent pas et conservé ce qui le touche. «Ce que je cite m'appartient, dit un proverbe russe. Ce que je trafique et que je mets en scène aussi», selon David. Quand à ce que je regarde, moi, spectateur, je n'en prends, heureusement, que ce que bon me semble.


 Françoise Monnin
20.04.2002