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Expositions

Un expressionniste allemand à Milan

La fondation Gabriele Mazzotta retrace la vie de Kirchner, entre peintures, gravures et dessins.


Ernst Ludwig Kirchner,
Baigneurs sur la plage, 1913,
huile sur toile, 76x100 cm
© Fondazione Antonio Mazzotta
À la fin de l'année 1999, Gabriele Mazzotta avait présenté une excellente exposition sur le groupe d'artistes expressionnistes de Dresde, Die Brücke. Cette fois, il nous offre l'occasion de découvrir le parcours esthétique de l'un de ses membres les plus célèbres, Ernst Ludwig Kirchner, dans une exposition équilibrée, qui met en évidence ses talents de peintre, de graveur sur bois et de dessinateur. Né en Bavière en 1880, il passe ses jeunes années en Suisse, près de Lucerne. À partir de 1901, il s'inscrit à la Sächsiche Technische Hochschule de Dresde pour y étudier l'architecture. Il étudie ensuite à Munich (1903-1904) où il suit les cours de techniques graphiques et de nu auprès de deux artistes académiques, Obrist et Debschitz. C'est alors qu'il découvre alors les œuvres des impressionnistes et post-impressionnistes français. De retour à Dresde, il se consacre à l'étude du dessin et de la peinture, avec deux amis, Bleyl et Heckel. Il réalise ses premières xylographie en 1904. Et , l'année suivante, le groupe prend forme avec l'adhésion d'un autre étudiant en architecture, Karl Schmidt-Rottluff : «Die Brücke» est créé et, bientôt, rallié par Emil Nolde et Max Pechstein. Kirchner expose avec Schmidt-Rottluff au Kunstsalon de Braunsweigen 1908. Ce sont ses vrais débuts. Deux ans plus tard, il travaille dans l'atelier de Pechstein à Berlin et se lie à la Neue Secession sans pour autant négliger les activités fiévreuses de Die Brücke. En 1912, Kirchner, comme la plupart de ses amis, vit à Berlin. À cette époque, il a déjà exécuté des œuvres significatives comme le Nu allongé devant un miroir (1909-1910), Nollendorfplatz (1912) ou les Arbres sur le sentier dans le sable (1912). Lorsque le groupe éclate, Kirchner a trouvé son style et vit déjà auprès de celle qui restera près de lui tout au long de son existence, Erna Schilling.

Avant la Grande Guerre, Kirchner réalise quelques uns de ses plus beaux tableaux : le Nu qui se peigne (1913), Dans le café-jardin (1914), Autoportrait (1914). Il est exempté d'armée mais traverse, en 1915, une grave crise morale. Il prend de la morphine pour dormir et est interné, l'année suivante. Il passera sa convalescence à Davos, en Suisse, pendant les longs mois de l'hiver 1917. Après avoir gravé en couleurs d'extraordinaires illustrations pour La Merveilleuse histoire de Peter Schemihls d'Adalbert von Chamisso (1915), il se consacre essentiellement aux portraits et aux autoportraits (dont le célèbre Autoportrait sous l'effet de la morphine de 1917). En 1918, une rétrospective lui est consacrée à Zurich et il rédige «La Profession de foi d'un peintre». Comme il l'a toujours fait, il partage son travail entre la gravure, le dessin et la peinture, sans privilégier l'une de ces disciplines, et vit entre Berlin et Davos. Son œuvre reflète cette double vie : les paysages de montagne et les instantanés de la vie rurale locale alternent avec des visions du monde urbain comme Bohème moderne (1924) ou avec des scènes fantasmatiques comme Harem (1921). Jusqu'à la fin de sa vie, sa recherche ne connaîtra plus d'évolution majeure. Pourtant, elle ne se poursuit sans lassitude et sans redites. En 1937, il figure en bonne place dans l'Entartele Kunst, l'exposition de l'art dégénéré, et en est profondément affligé. Son exposition à la Kunsthalle de Bâle au même moment est d'ailleurs un échec relatif qui survient quelques mois avant son suicide d'un coup de pistolet, en 1938.


 Gérard-Georges Lemaire
03.06.2002