Home > Le Quotidien des Arts > Sept années à Calcutta

Expositions

Samuel Bourne, Munshi Bagh, Cachemire, 1866
© Musée de l'Elysée


Sept années à Calcutta

Bien qu’il n’ait séjourné que peu de temps sur le subcontinent indien, Samuel Bourne est l’un des plus célèbres photographes des colonies.

Dès le premier regard, les photographies exposées suffisent à nous replonger dans le monde que le photographe britannique a su capter avec talent. Mais pour mieux apprécier l’œuvre de Samuel Bourne (1834-1912), il faut essayer de se le représenter sur les chemins de l’Himalaya, du Cachemire ou des sources du Gange. Nous sommes dans les années 1860 et l’artiste récemment installé aux Indes ne veut pas se contenter de vues locales et médiocres. Il veut montrer des terres inexplorées et les immortaliser avec précision et finesse. Le voilà donc parti en expédition avec « une véritable petite armée » de coolies chargés de porter le lourd et fragile équipement nécessaire à la technique dite au collodion humide. Le photographe doit en effet préparer ses négatifs, en enduisant de grandes plaques de verre d’une couche de collodion (un mélange de coton-poudre, d’alcool et d’éther) dans une tente-laboratoire juste avant la prise de vue. Il ne peut procéder au développement des tirages à l’albumine qu’une fois de retour.

Les clichés de ces voyages comptent parmi les plus étonnants pris par Bourne entre 1863 et 1870. C’est dans ces paysages sauvages et rudes que le photographe abandonne l’approche classique, la recherche de symétrie et de composition harmonieuse, qui était la sienne dans les paysages bucoliques anglais et qu'il conserve dans les vues de bâtiments et les portraits. Toutes ses œuvres sont autant de documents inestimables pour la connaissance des temples d'Agra, de l'urbanisme de Bénarès ou des déplacements du vice-roi des Indes dans les années 1860. Elles donnent également un nouvel éclairage sur l’utilisation de la photographie en contexte colonial. Car si les œuvres de Bourne ne semblent pas répondre à la volonté de répertorier les sites et les groupes ethniques d’une population que l’on veut mieux connaître pour mieux la soumettre, ces photographies exotiques diffusées à grande échelle marquèrent durablement l’imaginaire occidental. La notoriété de Bourne s’appuie en effet sur la commercialisation de photographies qu’il vendit avec son associé Charles Shepherd, spécialiste des « portraits ethnographiques » et sur la publication de ses récits de voyages sous la forme de feuilletons dans le prestigieux British Journal of Photography.


 Zoé Blumenfeld
21.09.2001