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Expositions

Tous les Paris de William Klein

La Maison Européenne de la Photographie rend hommage au plus parisien des photographes américains, peintre d’une capitale débridée et bigarrée.


Rolling stones © William Klein
Parisien d’adoption, Klein rencontre la ville en 1948, à l’âge de vingt ans. Après des études de peinture et un bref passage par l’atelier de Fernand Léger, il retourne à New York et entreprend, par le biais de la photographie, la réalisation d’un portrait de sa ville natale. Publié en 1956, le livre est le premier d’une série qui consacrera tour à tour Rome (1958), Moscou, Tokyo (1964) et aujourd’hui Paris. Augurant d’une nouvelle vision photographique, l’ouvrage fait figure de manifeste : rejetant les conventions établies en matière de cadrage et de mise au point, Klein prône une pratique intuitive qui se fasse l’écho de l’énergie urbaine. Le photographe investit la rue, fait siens ces insignes de la modernité que sont les affiches de cinéma, les enseignes et autres pancartes publicitaires. Le champ de l’image absorbe, sans discrimination, tous ces signes visuels, dans une mimesis de la vie urbaine et de son brouhaha. Sujet décentré, visages flous au premier plan, figures amputées, pour partie hors-champ, contrastes outranciers sont pratique courante chez Klein. Et il ne s’agit nullement ici de simples figures de style, ces effets font toujours sens chez lui et servent une volonté nettement satirique. Le regard du photographe, incisif, n’épargne aucune composante de la société contemporaine, mode, politique, média, sport, toutes y passent.


Yssey Miyake © William Klein
Le Paris de Klein déborde de cette même énergie. Là encore, le photographe s’est attaché, non à illustrer une quelconque vision romantique d’un Paris sombre, brumeux et mystérieusement dépeuplé, mais à dépeindre la ville dans sa réalité contemporaine, son cosmopolitisme, son métissage. Parisien depuis quarante ans, William Klein voit en elle une ville en perpétuel renouvellement, théâtre d’une effervescence sans pareille. Rassemblant des clichés des années soixante à nos jours, l’exposition retrace une histoire de la ville faite de manifestations populaires en tous genres, de figures politiques, de réceptions mondaines, de défilés de mode, etc. La peinture se fait parfois féroce, particulièrement dans ces visions de la haute bourgeoisie. La saturation du champ de l’image, l’emploi de la photographie couleur, l’effet de bougé, viennent appuyer cette énergie qui parcourt l’ensemble des clichés et qui frôle parfois une certaine violence graphique. L’impression de trop-plein est encore accentuée par l’accrochage, disposant les photographies les unes à côté des autres, sans que le moindre espace ait été ménagé entre elles. Ce choix témoigne également d’une volonté de poser un principe d’équivalence entre toutes ces images. Aucune ne prévaut sur l’autre, toutes sont présentées dans un continuum spatial, que vient encore renforcer l’absence de cartel. Elles semblent comme issues d’un film, qui aurait été décomposé plan par plan. Les contacts peints relèvent initialement de cette même volonté d’humilité, puisqu’offrant au regard le processus de fabrication et de sélection de l’image qui fera œuvre. Mais cette mise en scène picturale, constituant un cadre factice, n’a pour effet que de théâtraliser le cliché, et contredit semble-t-il cette volonté, précédemment évoquée, de soustraire l’image photographique au statut d’œuvre d’art.


 Raphaëlle Stopin
17.04.2002