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Expositions

Manessier ressuscité

Le maître de l'école de Paris est célébré par le musée de Rambouillet, situé à proximité du dernier atelier de l'artiste. Visite guidée par sa fille.


Manessier © Françoise Monnin
«Chaque salle est un moment particulier, un climat» : Christine Manessier et son frère, Jean-Baptiste, sont émus. Ce sont eux qui ont conçu la rétrospective en huit salles de l'œuvre de leur père, mort bêtement dans un accident de voiture, à 82 ans. L'amour qu'ils lui portent est bouleversant. La succession du peintre n'est pas encore réglée, les marchands, comme Patrice Trigano, qui ont proposé de racheter l'atelier dans son ensemble, sont écartés. L'histoire de l'art commence seulement à se faire. Manessier ? On connaît surtout ses vitraux dans les églises de France, d'Allemagne et de Suisse et ses tapisseries. L'homme a toujours été discret. Même en 1953, lorsque Sao Paulo lui a remis le premier prix de sa Biennale, ou en 1962, lorsque Venise a fait de même. «Vous ne ressemblez pas à un peintre», s'était alors exclamée la collectionneuse Peggy Guggenheim. «Qu'importe, si ma peinture ressemble à de la peinture», avait répondu l'ancien marchand de vins picards.

L'exposition de Rambouillet ressemble à une exposition. Belle, intime. On y découvre les premières compositions cubistes, imaginées dans les années 30 puis des toiles inspirées par la Baie de Somme, et des aquarelles, métamorphosant des galets, à partir des années 40. Vient ensuite la vallée du Verdon, les années 50, les grands formats en noir et blanc de la fin des années 60, inspirés par un voyage au Canada et, finalement, les vitraux. Chaque toile est rythmée, graphique. Chacune d'entre elle fait dialoguer un dessin libéré et un souci de la représentation du monde extérieur, avec des tons clairs, multicolores. Dans chaque salle, il n'est question que de lumière : de celle qui manquait dans la cage d'escalier de la maison familiale et dans son arrière boutique, où l'on tuait le cochon. «Enfant», explique sa fille «il se réfugiait alors devant une fenêtre constituée de petits carreaux de couleurs et regardait, à travers, les passants, pour ne plus entendre les cris de l'animal». À quelques kilomètres, l'atelier de l'artiste est resté en l'état. Aucun pinceau ne manque. Le jardin est bien entretenu et le calme qui règne correspond à la sérénité que cherchait le peintre. L'association de ses amis y organisera peut-être, bientôt, des visites. En attendant, en déambulant dans l'exposition, chacun ne peut s'empêcher de constater que rien n'est moins abstrait que la peinture. Fût-ce-t-elle, comme celle de Manessier, de l'École de Paris !


 Françoise Monnin
11.05.2002