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Evening Standard : l’art, malgré tout

Dans une démarche inédite, le quotidien populaire londonien augmente sa pagination culturelle. Les explications du responsable, Norman Lebrecht.

Grand quotidien londonien du soir, l'«Evening Standard» est présent à toutes les sorties du «Tube». Faisant partie du groupe Associated Newspapers, qui compte dans ses rangs le «Daily Mail» et le «Mail on Sunday», il a décidé, en une manœuvre inattendue dans la presse populaire - qui tente plutôt de gagner des parts de marché avec les «filles de la page 3» (les playmates dénudées qui ont fait la célébrité du «Sun») - d’accroître sa couverture de l’actualité artistique. Pour mener à bien cette mini-révolution, la directrice, Veronica Waddley, a fait appel à un critique musical respecté, Norman Lebrecht, plume acérée depuis une décennie du «Daily Telegraph».

«Ce projet m’excitait beaucoup. J’ai donné mon accord en posant mes conditions : non seulement augmenter, mais doubler les pages d’art. Et les tirer vers le haut.» «The Evening Standard» - 437 000 exemplaires par jour, soit une diffusion supérieure à celle du «Guardian» - s'enorgueillit aujourd’hui d'être le seul des tabloïds à avoir un rédacteur en chef adjoint pour l’art. Dans les autres rédactions, ces postes sont l’exclusivité des rubriques sport ou «people»… «Ce que nous faisons – accroissement en quantité et en qualité de nos pages «Culture» – va totalement à l’encontre de ce que font les autres médias. Cela part d’une constatation simple : l'«Evening Standard» est le quotidien qui a le lectorat socialement le plus divers. Nous sommes lus par les classes populaires qui jouent le soir aux machines à sous mais aussi par les assidus de Covent Garden. Il fallait que nous puissions répondre aux attentes de tous nos lecteurs, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.» Norman Lebrecht a renouvelé son équipe, se séparant sans ménagement des journalistes en poste et appelant à ses côtés d’autres critiques reconnus, comme Andrew Renton pour l’art contemporain.

Pour se démarquer de ce qu’il appelle la «dictature de l’événement», Norman Lebrecht ouvre chaque jour sa section par un grand thème (un entretien, le jeudi), qui n’a pas forcément de lien avec l’actualité. Le ton, familier, impertinent, entend fuir le style professoral. En matière de contenu, on ne dédaigne pas les analyses à l'emporte-pièce. Et les sujets doivent être «vendeurs», à l'image de ce papier fort piquant, il y a quelques semaines, sur la correspondance érotique de Toscanini, par le même Lebrecht… Séduire un nouveau public est à ce prix. «Il est difficile de mesurer l’impact de ces transformations sur la diffusion du quotidien. Mais je remarque que la concurrence nous observe avec attention : le «Guardian» vient de nous emboîter le pas en augmentant lui aussi sa rubrique Culture.» Si le lien de cause à effet était avéré - ce qui reste à démontrer - cela vaudrait son pesant d'admiration. Un exemple pour la France ?


 Rafael Pic
07.06.2002