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Écrit-on encore sur l'art ?

Pour quatre jours, le Palais de Tokyo accueille le Forum de l’essai sur l’art. Rencontre avec son directeur, Jacques Serrano.

Quelle est l’histoire de cette manifestation ?
Jacques Serrano.
Il n’y a pas une réponse à cette question, mais une trentaine, dont de nombreuses inconscientes. En 1994, à Marseille, j’ai commencé à organiser des débats sur le thème de l’art contemporain car il me semblait qu’il y avait un grand vide dans la pensée à cette époque. Des intellectuels aux approches différentes qui se sentaient concernés par ces questions venaient pour faire avancer la réflexion sur un certain nombre de problématiques. Petit à petit, ces débats ont connu un relatif succès d’estime. D’où l’idée d’organiser une rencontre tout en la distinguant bien des traditionnels salons du livre. Nous ne partons pas de la vente des livres mais des auteurs, nous n’avons pas la vocation de devenir une FNAC de l’essai sur l’art même si la librairie du Palais de Tokyo s’est engagée à vendre les ouvrages que nous proposons. En 1999 et 2000, Dominique Chateau nous a accueillis à la Sorbonne. La troisième édition a eu lieu au Centre culturel canadien. Et cette année, nous nous installons au Palais de Tokyo.

C’est un aboutissement que d’arriver dans ce musée ?
Jacques Serrano.
Arriver à la Sorbonne, ce n'était déjà pas mal ! Pour le milieu de l’art, nous grimpons en prestige mais pour les intellectuels, ce n’est pas obligatoirement le cas… En fait, il s’agit surtout d’un concours de circonstance et de la volonté de prendre place dans un lieu clairement identifié comme consacré à l’art contemporain.

Quels sont les champs couverts par le forum ?
Jacques Serrano.
Nous couvrons de nombreuses disciplines -le cinéma, l’architecture, l’image au sens large, les arts plastiques, la danse, la musique- vues par la lorgnette du droit, de la philosophie, de la sociologie, de la politique, de l’histoire… Une centaine d’éditeurs et de revues tiennent des stands mais ils ne sont pas là pour vendre, ils sont là pour présenter le contenu des livres qu’ils ont sélectionnés.

Quelles sont les manifestations proposées ?
Jacques Serrano.
Toutes les heures, un auteur présente un essai paru récemment ou à paraître. Nous commençons aujourd'hui à 13h avec des auteurs tchèques, puisque la République tchèque est à l’honneur de cette quatrième édition. Parmi les autres temps forts, il faut signaler «Trois auteurs à publier d’urgence». Francesco Lasci, Pascal-Nicolas Le Strat et Véronique d’Auzac de Lamartinie présentent des textes qui m’ont paru importants et pour lesquels ils ne trouvent pas d’éditeur, avec l’espoir d’une rencontre avec un directeur de collection… Et puis, il faudrait parler de Christophe Jouanlanne qui a traduit pour la première fois les Fragments de Walter Benjamin pour la collection du Collège international de philosophie (vendredi 19h) ou Howard S. Becker, l’un des principaux sociologues de l’art, qui parlera des Ficelles du métier, guide de recherche en sciences sociales, publié par les éditions Découvertes (samedi 21h).

Des débats sont également organisés…
Jacques Serrano.
Vendredi, un premier débat s’intitule «Est-il nécessaire de parler de l’art… pour répondre aux interrogations qui l’animent ?». Le sujet est jugé provocateur par certains, voire «suicidaire» par «Beaux-Arts magazine», mais il me semble pourtant évident. Howard S. Becker, Annie Cohen-Solal, Stephen Wright ou Francesco Masci s’interrogeront sur le discours engendré par l’art et sur les discours scientifiques qui peuvent conduire la création. Cette journée prépare les interventions du lendemain. Dominique Schnaper, François Noudelmann et Miguel Benasayag se pencheront sur trois concepts communs à tous les champs de la pensée : liberté, égalité et fraternité. Il y a dix jours, cela paraissait ringard mais aujourd’hui, nous avons de la concurrence sur ces questions. Dimanche, ce sera le tour de deux débats. Le premier, plus professionnel, est consacré aux «Cessions de droits en Europe» quant au second, il est présenté par la Sorbonne. Sous le titre un peu censeur de «L’art a-t-il tous les droits», Richard Conte exprime son inquiétude, avec, comme point de départ à sa réflexion, le travail d’un groupe d’artistes chinois qui récupérait des enfants morts-nés pour les cuire et les manger…


 Zoé Blumenfeld
03.05.2002