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Patrimoine

SOS pour Tyntesfield

Le National Trust tente de réunir les fonds nécessaires à l'achat de Tyntesfield Manor, la dernière demeure néo-gothique anglaise préservée dans son intégralité.


Tyntesfield © FPDSavills
C’est, au dire des spécialistes, l’une des plus belles, sinon la plus belle, demeure néo-gothique d’Angleterre. Située à quelques kilomètres de Bristol, dans un parc de plusieurs centaines d’hectares, elle a été bâtie par William Gibbs, qui fit fortune dans l’exploitation du guano péruvien. C’est l’architecte John Norton, un émule de Pugin, qui en dessina les plans en 1862, dans un pur style «revival» gothique. Mais l’intérêt de Tyntesfield ne réside pas seulement dans l’édifice. «C’est un cas assez exceptionnel, explique Mark Girouard, un historien spécialiste des manoirs anglais. La chapelle privée, qui a la dimension d’une belle église, a conservé son mobilier d’origine. Il en va de même pour le manoir, qui était à l’avant-garde en matière d’équipement et de confort. Tyntesfield a eu très tôt l’électricité, le gas, des systèmes perfectionnés contre l’incendie. De ces grandes maisons victoriennes, beaucoup ont été vendues pour devenir des bureaux, des appartements ou des hôtels. Comme équivalent à Tyntesfield, je ne vois guère que Cragside, dans le Northumberland, qui appartenait aux Armstrong, des Krupp à l’anglaise qui avaient fait fortune dans l’armement, ou Waddesdon Manor, de lord Rothschild.»


Tyntesfield © FPDSavills
L’an dernier, le second comte de Wraxall, dernier occupant des lieux, est mort, laissant la demeure en indivision à ses dix-neuf héritiers. Dans l’impossibilité de parvenir à un accord, ceux-ci ont décidé de mettre la propriété en vente et l’ont confié à l’agence FPDSavills. «Nous avons un mandat d’exclusivité, nous confirme John Vaughan, et nous avons déjà des manifestations d’intérêt, provenant essentiellement de pays étrangers, comme l’Espagne ou la Suisse. La mise à prix est de 14,5 millions £ pour la demeure et la plus grande partie du parc.» Il sera également possible d’acheter des cottages à restaurer, à partir de 100 000 euros. Le mobilier fait actuellement l’objet d’une expertise par Christie’s et pourrait être mis aux enchères à la rentrée. Parmi les trésors qui ornaient les «public rooms» ou la superbe bibliothèque, on compte une Vierge de l’école de Bellini.

A l’annonce de la vente, des voix se sont aussitôt élevées pour souhaiter qu’une institution comme le National Trust se porte acquéreur. Fort de plusieurs millions de membres, avec de nombreux joyaux à sa couronnes, le National Trust est le gardien du patrimoine anglais. Mais l’effort financier à produire est au-dessus de ses forces et pourrait atteindre 25 millions £, comprenant le coût d’achat et de restauration et la dotation nécessaire pour le fonctionnement du domaine. Le National Trust a déjà lancé un appel à contribution auprès du public et souhaite rassembler d’autres organismes comme le National Heritage, la Victorian Society, ou la Loterie pour le patrimoine (Heritage Lottery). Par ailleurs, l’Etat devrait appliquer le principe de la dation (Acceptance in Lieu) : les droits d’héritage pourront être payés avec des œuvres d’art ou des terrains. Pour sensibiliser l’opinion, le National Trust a invité la presse anglaise et étrangère à visiter aujourd’hui la demeure, dont l’accès a été farouchement préservé jusqu’à l’an dernier.


 Rafael Pic
30.04.2002