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Expositions

Du Bouchet, balladin de l’espace

Faire cohabiter les poèmes d’André du Bouchet (1924-2001) et la peinture de grands artistes comme Tal-Coat, Giacometti, de Staël ? Un défi relevé avec talent à Toulon.


Tête de Diego, 1962, huile sur
toile, donation sous réserve
d'usufruit, consentie à l'état à titre
anonyme. © RMN / Michèle Bellot
TOULON. Depuis Baudelaire, poésie et peinture ne s'ignorent plus. On assiste à la rencontre captivante entre poètes et artistes : Mallarmé/Manet, Apollinaire/Derain, Max Jacob/Picasso, Tristan Tzara/Arp ou Miro, René Char/Giacometti, Michaux/Matta, Michel Butor/Alechinsky, André Du Bouchet/Geneviève Asse… Si l’on devait désigner d’un seul mot la poésie de du Bouchet, pour le distinguer dans ce qu’elle a d’absolument singulier, ce serait peut-être l’espace. Une page d’André du Bouchet étonne d’abord par les grandes enjambées que l’on doit faire d’une phrase ou d’un mot à l’autre : des suspens, des étendues de silence. Le vide accompagne ainsi le poème, mais les mots s’incrustent dans le papier. Le livre est un espace que le poète habite comme il doit habiter les mots en leur donnant du souffle. Les blancs participent totalement de la construction d’une œuvre et de l’affirmation de la vie.

Trois rencontres majeures
Il était donc naturel que le poète se tourne vers l’espace de la peinture et que celle-ci ait inspiré nombre de ses textes (Qui n’est pas tourné vers nous, 1972, L’Incohérence, 1979, Peinture, 1983, Cendre tirant sur le bleu et envol, 1991…). Ce rapport intime à la peinture l’a conduit à nouer des liens d’amitié avec plusieurs artistes. Du dialogue entre le poète et les peintres sont nés plusieurs livres (véritables objets d’art) qui ont marqué profondément le genre et qui sont présentés dans l’exposition, grâce à la générosité de sa femme, Anne de Staël, qui a ouvert ses archives. Sur deux niveaux, chaque salle permet de découvrir les œuvres d’Hélion, Villon, Maar, Bokor, Rafols-Casamada… en regard des ouvrages de du Bouchet. Une large place est donnée à Alberto Giacometti, Pierre Tal-Coat et Bram van Velde, «les artistes avec qui André du Bouchet a façonné, ressourcé et pour ainsi dire désaltéré sa propre création pendant près de cinquante ans», explique Jean-Pascal Léger, le commissaire de l’exposition. Le premier représentait pour lui le dessin, le second la matière de la peinture, et le troisième la couleur. Une exposition certes hybride mais cohérente qui illustre les préoccupations essentielles du poète et qui permet peut-être de mieux appréhender ses cahiers de poésie et surtout, d’apprendre à le connaître autrement.


 Muriel Carbonnet
31.12.2002