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Expositions

Ere nouvelle à la Documenta de Cassel

En présentant la manifestation 2002, qui ouvre le 14 juin, son directeur, le nigérian Okwui Enwezor, annonce un virage idéologique important.


Okwui Enwezor
© Françoise Monnin
«Rendre compte de la différence entre les langages, les procédures, les disciplines ; de l'impossibilité de tout englober, de mondialiser la culture. Souligner les ruptures véritables» : telle est l'ambition essentielle du jeune nouveau directeur de la célèbre Documenta de Cassel, le poète nigérian Okwui Enwezor, qui fut en 1997 le directeur de la biennale de Johannesburg. Selon lui, «depuis sa création, en 1955, la Documenta a connu trois ères. De 1955 à 1968, sa vocation essentielle, dans un climat d'après-guerre occidentale, consistait à évoquer la reconstruction, l'avant-garde. À partir de 1972, selon un modèle inauguré par Harald Szeeman, il s'est agi de choix subjectifs, et par conséquent dépendant de la personnalité du directeur. À partir de cette année, il ne s'agira plus de se mettre en avant mais de réfléchir, de renvoyer l'image de notre monde post-colonialiste. Notre contexte historique, fait d'insécurité, d'instabilité globale, nous l'impose».

Invité au musée d'Art moderne de la ville de Paris par sa directrice, Suzanne Pagé (qui lui a par le passé confié plusieurs commissariats d'expositions), Okwui Enwezor a communiqué la liste des 160 artistes invités, «travaillant dans différentes cultures, différents contextes ; une liste trans-nationale et trans-générationnelle». Il a promis des formules plastiques déjà connues (performances, vidéos, installations) mais également des interventions inédites en matière d'urbanisme, de radio libre et de… jardinage. Parmi elles, 79 événements ont été spécialement commandés pour l'occasion. Parmi les artistes, on peut citer Chantal Ackerman, Frédéric Bruly Bouabré, Louise Bourgeois, Thomas Hischhorn, Annette Messager ou Gabriel Orozco.

Complément essentiel à cette aventure, une plateforme sera organisée pendant la biennale, sur le thème de «la pratique artistique en tant que telle». Elle s'ajoutera à quatre autres, organisées par Enwezor depuis mars 2001, à Vienne, New Delhi, Sainte-Lucie et Lagos, autour des notions de Démocratie inachevable, d'Expérimentations de la vérité, de Créolité-créolisation et d'État de siège. La déstabilisation générale étant d'actualité, il devient nécessaire de décentraliser la Documenta, tout comme il convient d'admettre, à notre époque décolonialiste, qu'il n'existe pas qu'un centre, avec beaucoup de marges» A coup sûr, à Cassel, en juin prochain, l'intelligence sera au rendez-vous.


 Françoise Monnin
07.05.2002