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Expositions

L'appel de l'abstraction

S'inspirant des réfllexions de Kandinsky en 1911, le critique Philippe Piguet met en scène l'abstraction contemporaine à la fondation Guerlain.


Bernard Frize Ebréchée, 2001,
130 x 100 cm, acrylique et
résine sur toile
© Fondation d'art contemporain
Daniel et Florence Guerlain
Onze artistes ont été retenus, de Cécile Bart à Erik Samakh en passant par Jean-Gabriel Coignet, Bernard Piffaretti ou Damien Cabanes. « Ce sont des artistes dont les processus de création sont très contemporains. J’ai écrit sur tous. Ils sont très en vue comme Jean-Pierre Bertrand ou Bernard Frize, qui aurait bien mérité le prix Marcel Duchamp. » Philippe Piguet, à l’occasion de cette exposition, affirme le pictural dans une époque qui le boude volontiers, d’une façon très éclectique, comme y invite l’originalité des lieux à la Fondation Guerlain. C’est une « maison » aux dimensions intimes tout comme celles d’un collectionneur. « Une profonde humanité se dégage de cet endroit. » L’accrochage ? « Simple, comme si c’était chez moi. Jouer sur les notes chromatiques pour faire un tout harmonieux. Faire saliver devant les œuvres, tant au niveau de la rétine que du mental. Faire que le visiteur se nourrisse de la couleur, des formes, des sons. » Philippe Piguet veut une exposition de plaisir, pas une démonstration idéologique, surtout pas poser les termes d’un manifeste de la voie abstraite même s’il a fait un choix. En l’effectuant, il y a parti pris, certes, mais pas univoque, réalisé « dans un souci humaniste de défense et d’illustration de l’abstraction contemporaine », souligne-t-il.

Grandes gouaches et artifices sonores
« L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible », écrivait Paul Klee. Les pièces exposées ici offrent une diversité réjouissante. Face aux œuvres immaculées de Suzanne Fritscher : d’abord, il n’y a rien, ensuite il y a un rien profond, puis une profondeur… blanche ! Face aux canevas de couleurs de Bernard Frize sur lesquels la peinture est comme tissée ou face aux grandes gouaches de Didier Mencoboni, jubilatoires, ludiques et savoureuses. Ou encore, face aux modules acoustiques autonomes d’Erik Samakh, miracle de la nature ou savante collusion entre le naturel et l’artificiel ? « L'art utilise ses moyens non pour représenter les phénomènes de la nature, mais pour exprimer la vie spirituelle de l'artiste et créer une vie propre des sons musicaux », écrivait encore Kandinsky. Toutes les lignes de force, dont les artistes tracent les trajectoires, deviennent un faisceau de lignes de vie. Elles se confondent avec celles des artistes.


 Muriel Carbonnet
24.06.2002