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Des objets et des hommes

Dans Descente aux enchères, Vincent Noce refait vivre les deux premiers siècles de l’hôtel Drouot. Chronique d’un monde disparu ?

On pourrait vendre le titre à l’encan, nul doute qu’il ferait un beau prix… N’est-il qu’une belle trouvaille lexicographique ou reflète-t-il la réalité ? Les enchères sont-elles comme le casino de Monaco en 1900, où les journaux locaux comptabilisaient au moins un suicide par jour - un monde de perdition ? Vincent Noce, de Libération, en connaît trop bien les arcanes pour le juger de façon aussi tranchée. Non, le monde des enchères ressemble plutôt aux fables de La Fontaine, c’est-à-dire qu’il est tout simplement le reflet de notre société : on y rencontre des lions, des renards - rusés, des chacals - sans pitié et… des ânes. Ce faisant, Noce montre tout ce qui fait la vitalité de Drouot, son côté balzacien, truculent, inépuisable Comédie humaine, qui sied bien à un hôtel des ventes bâti sur un ancien marais où l’on chassait le canard.

Entre Vélasquez et Tapie
Pas d’enchères multi-millionnaires comme dans les grandes salles anglo-saxonnes mais un mélange de commis hâbleurs, de bourgeoises fardées, de commissaires-priseurs faussement blasés. Faire la carotte ou truffer une vente, sergents à verge et aboyeurs : entre la « fausse » vacation des archives de Raymond Loewy à Rambouillet et le scandale du siècle (la vente Bourdon par maître Loudmer, en 1990), l’auteur trace l’histoire vécue de Drouot. Elle passe par la dispersion du mobilier de Tapie, l’affaire du Vélasquez, l’étrange pharaon de François Pinault, les faux bronzes de Guy Hain. Aujourd’hui, Drouot est à un tournant de son histoire. Le monopole concédé en son temps par François Ier n’est plus depuis la loi de juillet 2000 et les deux grandes maisons anglo-saxonnes ont taillé des croupières aux commissaires-priseurs français. Ceux-ci n’en finissent pas de se consulter pour tenter de s’unir alors que la part de la France sur le marché de l’art a dramatiquement diminué en quelques décennies. Drouot a-t-il son avenir derrière lui ?


 Rafael Pic
25.06.2002