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Marché

Post-impressionnisme : un courant en vogue

Drouot Montaigne accueille les pièces maitresses de la vente d'art moderne d'ArtCurial Briest signées Cross, Signac et Gauguin.


Paul Gauguin, Enfants luttant,
1888, pastel sur papier signé et
daté en bas à droite, 60 x 40 cm
Estimation : 700 / 900 000 €
À n’en pas douter, ArtCurial Briest présente certains des principaux lots exposés pendant la semaine des Temps forts de Drouot. Pour annoncer les ventes d’art moderne et contemporain qui se tiendront du 3 au 5 juin à l’hôtel Marcel Dassault, la maison présente l’une des dix œuvres signées Victor Brauner provenant d’une même collection privée, Le Matin (230 000 €), ou les Patins de Gilles de César (110 000 €), un bronze soudé appartenant à la série des Poules patineuses qui a vu le jour en 1984, pendant le séjour du sculpteur à la fonderie de Régis Boquel, en Normandie. Pourtant, ce sont les artistes post-impressionnistes qui occupent le devant de la scène avec Pins et chênes en Provence d’Henri-Edmond Cross (450 000 €) ou Bellevue, une composition peinte par Paul Signac après son retour du Midi qui pourrait atteindre 1,3 millions d’euros.

Acquis lors d’une vente publique à Enghien en 1986, les Enfants luttant de Paul Gauguin figuraient depuis une quinzaine d’années dans la même collection privée que le paysage de Signac. Auparavant, ce pastel que Violaine de la Brosse-Ferrand, directrice du département d’art moderne d’ArtCurial, décrit comme «une œuvre de grande qualité et d’une étonnante puissance, destinée à un collectionneur très averti», est passée entre les mains du marchand Ambroise Vollard et de l’un des frères Natanson, co-fondateurs de la Revue Blanche, Alfred. Sur une feuille de 60 cm par 40 cm, Gauguin travaille au groupe central du tableau du même nom, reprenant sur le côté, le profil du garçon vu de dos et les pieds des deux enfants. Le dessin, très abouti, met en évidence les recherches anti-naturalistes et synthétiques de Gauguin. Les corps monumentaux sont déformés pour accentuer l’expressivité des figures, gauches et archaïques. Quant au traitement, il se caractérise par la présence de cernes épais, l’utilisation de couleurs pures ou la simplification des surfaces peu modulées.

Au dire de l’artiste, cette œuvre constitue un tournant. À propos du tableau qu’il décrit comme «tout à fait japonais par un sauvage du Pérou», Paul Gauguin écrit à Vincent van Gogh : «Je commence à reprendre la liberté dans les facultés : ma maladie m’avait affaibli et dans mes dernières études j’ai je crois dépassé ce que j’ai fait jusqu’à présent». Nous sommes alors à l’été 1888. Profitant de l’argent qu’il a perçu lors de l’achat de trois de ses toiles par Théo van Gogh, Gauguin s’est établi en janvier dans la pension de Marie-Jeanne Gloanec, à Pont-Aven. Après s’être consacré à des paysages plus ou moins désertés par l’homme, il explore différents sujets «enfantins» dans La ronde ou les Jeunes baigneurs bretons. C’est également ce biais qu’il choisit, au mois de juillet, lorsqu’il décide d’aborder le thème de la lutte auquel Puvis de Chavanne a consacré son Doux pays, une toile destinée au décor de l’hôtel particulier de Bonnat et exposée chez Durand-Ruel durant l’hiver 1887. Un mois plus tard, il poussera l'audace encore plus loin dans sa célèbre Vision du sermon ou la lutte de Jacob avec l’ange.

La position charnière de ce pastel dans l’œuvre de l’artiste, sa provenance et sa belle qualité en font une pièce très attendue. Elle n’en est pas moins difficile à estimer. «Des œuvres sur papier de Gauguin, aussi abouties, passent rarement en vente, a fortiori en France», poursuit Violaine de la Brosse-Ferrand. «On dispose finalement d’assez peu d’éléments comparatifs, à moins de se reporter aux huiles. Entre 700 000 euros et 900 000 euros, cela semble une estimation raisonnable. Quoiqu’il en soit, il est agréable de voir des pièces de cette qualité sur le marché parisien».


 Zoé Blumenfeld
22.05.2002