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Expositions

«Rives» ou l’art de ne pas tomber à l’eau

A Douai, un parcours d’art contemporain, le long des rives de la Scarpe, offre une occasion nouvelle d’appréhender la cité.


Spirale de konrad Loder
© Muriel Carbonnet
A l’initiative de Jacques Vernier, maire de Douai, la ville consacre depuis dix ans 1% de son budget d’investissement (soit 100 000 euros) à la commande publique et aux montages d’expositions afin «d’amorcer une nouvelle identité visuelle de Douai et d’initier les habitants à l’art contemporain». En 1997, à la suite de l’exposition «Dialogue(s)», trois œuvres ont été acquises par la ville : une Cabane éclatée de Buren, Field Day II de Barry Flanagan et les Quatre saisons de Vincent Barré. Cette année, une vingtaine d’artistes sont présentés.

Le cru 2002
L’exposition “Rives“ débute dans les jardins du musée de la Chartreuse avec une installation sonore d’Erik Samakh : des jarres remplies d’eau fonctionnent en circuit fermé comme des fontaines factices, grâce à des capteurs solaires posés sur les haies de buis. A côté, les cylindres de Gereon Lepper, aux parois en caoutchouc emprisonnent un grand volume d’eau qui les déforme comme des outres.
Première performance : prendre avec soi la canne de Patrick Corillon, équipée (soit disant) de puces électroniques censées tisser le lien entre le musée et les rives… Canne en main, on se dirige vers le cloître et la salle capitulaire du musée où photos et vidéos reflètent la diversité du traitement de l’eau : de l’image de Florence Chevallier, aux paysages de front de mer nostalgiques, aux vidéos de François-Xavier Courrèges qui montrent, en plan fixe, le corps de l’artiste échoué sur la grève (noyade, sommeil ou oubli ?), en passant par Muriel Toulemonde qui met les corps en confrontation avec leur temporalité grâce à l’eau (dérive ou douce plongée ?).


Installation de Mecarelli
© Muriel Carbonnet
Au fil de la Scarpe
On quitte le musée, les pas se dirigent alors vers le canal. Premier contact visuel : La spirale de Konrad Loder qui s’articule sur le mur du jardin de la salle des sports. Sa silhouette orange se reflète dans l’eau l’après-midi, vers 15 heures.
Le reste des œuvres se révèle assez bien mis en adéquation avec l’environnement. Un petit bémol toutefois pour Le Chevêtre de Bernard Pagès. Grande réussite, en revanche, pour l’installation lumineuse de Dimitri Orlac qui fonctionne de jour comme de nuit : sur l’eau, un mot “RE-FLECHIR” en miroir, qui se joue de nous et de la lumière.
L’écluse des Augustins est le théâtre de la magnifique installation lumineuse d’Adalberto Mecarelli qui s’admire à la nuit tombée : l’eau déjoue l’obstacle de la masse métallique en diffusant sur sa surface deux bandes de lumière blanche irradiant du tunnel. Nouvel arrêt devant la tour en acier inoxydable poli, de Tom Carr, qui agit comme un kaléidoscope sur le pont des Dominicains. Sa configuration octogonale oriente les rayons du soleil, dessinant au sol une croix de lumière permanente avec le passage des heures et des saisons : un miracle… de la physique ? Quant aux figures insolites, hybrides et rigolardes de François Mezzapelle, elles sont malheureusement inaccessibles sur leur barge précaire. Avec les cocons en maille d’acier inoxydable (Physalis Hanging) de Katsuhito Nishikawa, le regard se fait plus végétal : suspendus dans les arbres, ils semblent sur le point d’éclore au-dessus du canal.
Le parcours singulier arrive ainsi à son terme. Il fait apparaître Douai sous un autre jour, depuis ses rives… aux reflets changeants.


 Muriel Carbonnet
04.07.2002