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Expositions

Riopelle est mort, vive Riopelle !

Le musée des Beaux-Arts de Montréal entreprend de faire redécouvrir le maître canadien récemment disparu.


Jean-Paul Riopelle, Autriche, 1954,
huile sur toile, 200 x 300 cm
© Succession Jean-Paul Riopelle /
ADAGP (Paris) / SODRAC (Montréal)
2002
Le 12 mars dernier, Jean-Paul Riopelle s’éteignait à 78 ans dans son manoir établi sur l’île aux Grues, au beau milieu du fleuve Saint-Laurent, provoquant une véritable commotion. Curieux phénomène lorsqu’on songe que l’artiste d’origine montréalaise n’avait plus eu droit aux honneurs des musées depuis la grande rétrospective de 1981, présentée successivement à Paris, Mexico, Caracas, Québec et Montréal. L’exposition du musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) était déjà en pleine préparation lorsque ce grand mouvement d’hommage national a pris forme. Elle vient ainsi à point nommé pour combler un vide déploré par les spécialistes, au premier rang desquels, Stéphane Aquin, conservateur de l’art contemporain au MBAM et commissaire de l’exposition. « Contrairement à son ami Sam Francis ou à sa compagne, Joan Mitchell, Riopelle n’a pas pris la place qui lui revient. Son œuvre est très clairement sous-évaluée. Et ce n’est pas du chauvinisme ! Yves Michaud ou Daniel Abadie, de la galerie du Jeu de Paume, le déploraient encore récemment. Riopelle traverse une période d’éclipse. »

Le chemin de la gloire
Cette nouvelle exposition le fait revenir à la lumière. Tableaux de grandes dimensions, œuvres sur papier et sculptures, retracent en effet une cinquantaine d’années de carrière. Tout commence vers 1948, alors que Jean-Paul Riopelle est l’un des seize co-signataires du Refus Global d’Émile Borduas, l’acte fondateur de l’art abstrait canadien et plus particulièrement du mouvement automatiste. L’artiste passe les années 1950 en partie en France, où il côtoie les milieux surréalistes. C’est l’époque des grandes toiles aux pâtes épaisses appliquées au couteau. C’est aussi celle des succès pour celui que Stéphane Aquin qualifie de « plus digne représentant de l’École de Paris » : les expositions internationales se succèdent et sa réputation s’étend jusqu’à New York. Moins connues du public, les œuvres postérieures aux années 1960 sont dominées par de grands cycles figuratifs consacrés à la nature comme celui des Hiboux ou des Icebergs. Des quatre-vingts œuvres présentées, une quinzaine mérite une attention toute particulière. Appartenant à la Power Corporation, une institution financière montréalaise, elles sont exposées pour la première fois au public depuis de nombreuses années. « La Power Corporation possède l’une des plus belles collections privées d’art canadien, au dernier étage d’un édifice datant du XIXe siècle. Pour les acheminer jusqu’ici, il faut les faire descendre sur le toit de l’ascenseur, une opération qui coûte 40 000 dollars. L’institution a consenti à ce prêt, car elle appartient à la famille Desmarais qui est depuis longtemps liée au musée. Mais c’est la dernière fois. Les sociétés d’assurance et de transports refusent de prendre de nouveau ce risque. »


Hommage à Grey Owl, 1970
Huile sur toile, 299.5 x 400 cm
Musée des beaux-arts de Montréal,
don de la Banque canadienne
impériale de commerce 2001.184
De nouvelles acquisitions
L’exposition est également une première pour une série d’œuvres qui ont récemment intégré les collections du MBAM. « Jusqu’ici, poursuit Stéphane Aquin, nous possédions quatre peintures et quelques aquarelles. En 2001, à l’instigation de Bernard Lamarre, le président du musée, une aide spéciale de 2,6 millions de dollars a été consentie par le gouvernement du Québec pour enrichir les collections du musée des Beaux-Arts de Montréal et du musée d’État de Québec à partir du fonds de l’artiste. Cela nous a permis de renforcer certains points faibles grâce à des œuvres telles que Soleil de minuit, de la série des Icebergs, La Roue, une œuvre de la période classique des mosaïques, ou un Canot à glace long de 7,25 mètres et peint de figures d’oiseaux au pochoir. » Une fois la présentation terminée, cette création de 1992 rejoindra les collections permanentes, exposée verticalement, comme un totem, en hommage à la légende québécoise de la « Chasse galerie » et à la traversée du Saint-Laurent l’hiver.


 Zoé Blumenfeld
21.06.2002