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Patrimoine

Un cimetière pour l'art

La petite bourgade de Nolleval, en Seine-Maritime, accueille ce nouveau fruit d'une initiative de type surréaliste.

NOLLEVAL (Seine-Maritime), 25 mai (AFP) - Entre la gare désaffectée et le château d'eau de Nolléval (320h), dominé par les collines de la vallée de l'Andelle, un champ est devenu samedi un cimetière permanent pour oeuvres d'art, fruit d'une initiative de type surréaliste. Samedi, Patrice Quéréel, président de la Fondation Duchamp, du nom du célèbre artiste dadaïste, a accueilli pour son inauguration des dizaines de curieux et d'amateurs d'art venus rendre un dernier hommage à des oeuvres qu'ils ne souhaitaient pas conserver. Réanimant l'idée qu'une oeuvre d'art ne doit pas être considérée pour sa valeur marchande mais pour la valeur intellectuelle qu'elle représente, Patrice Quéréel entend rendre hommage aux oeuvres d'art qui sont jugées "mortelles comme les hommes". "Quand on les enterre, les oeuvres reprennent un sens", affirme-t-il en digne héritier du mouvement dadaïste qui prônait l'irrespect et l'extravagance juste après la première guerre mondiale. Là, on porte en terre la bêche d'un artiste rouennais, Eric Laniol dont le manche qui sert de stèle porte les inscriptions "ici est enterré l'objet qui sert à déterrer". Plus à l'ombre, Jean-Claude Sebe, 49 ans, infirmier psychiatrique à l'hôpital de Botteville-lès-Rouen, creuse la dernière demeure d'un abattant de WC portant les inscriptions "Marcel Duchamp, agitateur 1887-1968". "L'abattant avait été primé en mai 98 lors d'un concours des plaques de rue à Rouen mais, comme la mairie n'a pas voulu le conserver, je préfère m'en séparer", explique l'infirmier fervent admirateur de l'"anartiste" qu'était selon lui Marcel Duchamp.

Disciple déclaré d'Alfred Jarry, François Pesqué, médecin radiologiste rouennais militant depuis sa retraite à l'association "Médecins du monde", a mis en terre une sorte de statue en mousse expansée qui, paraît-il, s'est formée toute seule une nuit, à partir d'un tube mal rebouché. "C'est une oeuvre d'art. Je l'ai mise dans un linceul", souligne-t-il en déposant avec précaution l'objet. "Les hommes sont mortels, les tableaux aussi. Il faut rendre aux oeuvres d'art les derniers honneurs comme on le fait pour les hommes ou pour les chiens", soutient M. Quéreel qui souhaite que "la valeur marchande des oeuvres s'effondre au profit de la seule intelligence". Pour enterrer une oeuvre, la seule obligation consiste à remplir le registre des entrées. Le propriétaire d'une "Expansion rouge n° 7" de César y explique ainsi que "cette oeuvre évoquant le mouvement et la vie... il était normal qu'elle retourne au centre de la terre". "Je ne peux plus supporter cette oeuvre qui, à mes yeux, est morte comme est mort l'émerveillement que je ressentais pour Vénus", a assuré de son côté l'ancien possesseur du Jugement de Pâris de Nicolas Poussin. Les cérémonies se sont achevées par l'enterrement de l'artiste Pierre Pinoncelli, condamné pour avoir donné en 1993 un coup de marteau dans l'urinoir de porcelaine signé Marcel Duchamp après l'avoir utilisé, et qui est finalement sorti bien vivant de l'aventure.

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  AFP
28.05.2002