Home > Le Quotidien des Arts > L’antique perle de Larsa

Marché

L'antique perle de Larsa

La galerie Gilgamesh, spécialisée en archéologie orientale, présente un important objet votif, vieux de plus de quatre mille ans.


Perle votive, agate,
fin du règne de Warad Sîn
(1844-1822 av. J.-C.), 6,7 cm
© Galerie Gilgamesh
La perle proposée est exceptionnelle à bien des égards. Taillée dans une agate zonée, elle est longue de 6,7 cm, ce qui en fait la plus importante perle mésopotamienne connue, par sa taille. Sa forme, assez proche de celle d’un poids, est très originale si on la compare aux perles tubulaires en vogue à cette époque et à celles en forme d’œil ou de canards qui les supplanteront au cours des siècles suivants. De plus, cette pièce portant une inscription dédicatoire devient la quatorzième connue du corpus des perles votives locales, et non des moindres. En effet, le texte en sumérien se déploie sur vingt-six lignes, supplantant ainsi le record de la plus longue inscription sur une pièce de dévotion, jusqu’alors détenu par les vingt lignes d’un poids en lapis-lazuli conservé au British Museum.

Cette inscription relatant les travaux entrepris par Warad Sîn (1844-1822 av. J.-C.), l’un des derniers rois de la cité de Larsa, dans le sud mésopotamien, permet aujourd’hui d’identifier la pièce. Elle est en effet similaire à celle d’une tablette conservée dans le même musée londonien et provenant du dépôt de fondation du temple Eunamtila de Larsa, dédié à la déesse Ninisina. À ceci près que l’inscription du British Museum, sur 42 lignes se trouve ici condensée et que les artisans ont dû redoubler d’ingéniosité pour les faire tenir sur une si petite surface. Ainsi, une petite étoile a été apposée sur la ligne diamétralement opposée à la première – celle qui porte le nom de la divinité – de manière à constituer un repère tandis que les lignes les plus longues voient leurs derniers caractères se resserrer autour du percement de la perle.

Cette perle soulève de nombreuses interrogations qui, toutes, se recoupent. Pourquoi avoir porté une telle attention à cette déesse secondaire par rapport au grand dieu solaire Shamash, auquel était consacré la fameuse ziggourat de Larsa ? Car, dans l’état actuel des connaissances, Ninisina ne semblait pas avoir le profil d’une divinité tutélaire de la cité. Elle n’était guère qu’une protectrice de la végétation et de la fécondité, une première figure de la déesse Ishtar née du syncrétisme qui suivit l’invasion du roi babylonien Hammurabi, Autant de questions auxquelles Daniel Lebeurrier, le directeur de la galerie Gilgamesh, cherche actuellement des réponses en proclamant le caractère éminemment «français» de cette pièce sans doute issue d’un pillage opéré à Larsa à la toute fin du 19e siècle, entre la découverte du site par l'archéologue français Loftus, en 1854, et les campagnes de fouilles menées sous la direction d’André Parrot dans les années 1930 et 1960.


 Zoé Blumenfeld
30.05.2002