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Marché

Retour vers le 20e siècle

Le nouveau salon qui s’ouvre aujourd’hui au Carrousel du Louvre a été inspiré par une constatation inattendue : il n’existait pas, à ce jour, de manifestation entièrement consacrée au mobilier du siècle défunt.


Georges Jouve, Cendrier banane,
1955, céramique
Courtesy Jousse Entreprise
Il existe certes des salons de première grandeur, comme celui de Milan, le modèle du genre. Mais ils sont généralement centrés, hormis quelques stands rétrospectifs, sur la création qui se fait, sur le design le plus immédiat. Ou ils tentent, au contraire, comme Tefaf Maastricht, d’embrasser des périodes beaucoup plus larges. Dans une catégorie similaire, on ne peut guère indiquer que le Copenhagen Modernism Show, qui ouvrira sa seconde édition en janvier 2003. Bref, Rick Gadella, qui avait déjà eu du flair en créant Paris Photo, devenu en peu d’années un rendez-vous «incontournable», attend le même succès avec sa dernière créature, soit près de vingt-cinq mille visiteurs en quatre jours. Pour preuve, il a déjà réservé le Carrousel pour l’an prochain (du 5 au 8 juin 2003), quel que soit le résultat de cette première édition.


Massimo Micheluzzi, Verre, 2000
Courtesy Clara Scremini
«Nous avons sélectionné trente-sept exposants, explique Amélie Darras, commissaire général. Nous aurions pu accueillir davantage de Scandinaves, qui étaient demandeurs, mais nous souhaitions donner une image globale de la création du siècle. Onze pays sont représentés.» Les membres du comité de sélection sont eux-même exposants (Barry Friedman, de New York, Ulrich Fiedler, de Cologne, et Eric Philippe, de Paris). On rencontre beaucoup de design danois ou suédois (Elis Bergh, Arne Jacobsen, Hans Brattrud), beaucoup d’Art déco français (Ruhlmann, Franck), même dans les galeries qui ne proviennent pas de ces latitudes. Mais également des objets plus rarement vus : un fauteuil d’acajou aux pieds en forme de traîneau de Michel de Klerk, de l’école d’Amsterdam (galerie Leidelmeijer), la chaise Nagasaki de Mathieu Matégot, un contemporain de Jean Prouvé et pionnier, comme lui, de la tôle perforée (chez Jousse Entreprise), la céramique de Roger Capron (chez Mouvements Modernes).

La partie la plus inattendue du salon, sous le commissariat de Gilles de Bure, se visite dans une salle contiguë, mise en scène comme un théâtre à gradins. Le critique a demandé à vingt-cinq ambassadeurs en poste à Paris d’indiquer leur champion national. Si les choix du cubain Eumelio Caballero (Emilio Terry), de l’israélien Elie Barnavi (Ron Arad), du britannique John Holmes (Mackintosh) n’ont rien de déroutant, on entre en territoire moins balisé avec les sélections grecque (une méridienne de Rena Dumas) et espagnole (un projecteur de Mariano Fortuny, un créateur que l'on enfouit trop souvent sous ses taffetas). Une façon de rappeler que le design du vingtième siècle ne demande qu’à dépasser les frontières qu’on lui fixe habituellement.


 Rafael Pic
06.06.2002