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Expositions

Comment la photo vint à Lambert

Dans le cadre avignonnais de l'hôtel de Caumont, le galeriste Yvon Lambert explore les liens entre la photographie et l'art contemporain.


Mariko Mori, Initiation, 1997
10 panneaux affiches imprimés
sur papier, 300 x 600 cm
édition de 5
©Emmanuel Perrotin, Paris
Créée en 2000, à Avignon, la collection Lambert engage, dans les mois à venir, un cycle d'expositions thématiques sur les différents médias utilisés en art contemporain, réparti en quatre volets : «Photographier», «Peindre», «Dessiner» et «Filmer». Le premier d'entre eux se propose de dresser le panorama, à travers les oeuvres de quelques soixante-dix artistes, de l'utilisation de la photographie dans l'art des quarante dernières années. Pour cela, la collection personnelle d'Yvon Lambert a été mobilisée (à hauteur de deux tiers des tirages accrochés actuellement dans l'hôtel de Caumont) ainsi que celles de collectionneurs privés, de galeries et d'artistes. Cette exposition est donc le contrepoint des nombreuses manifestations organisées par l'institution photographique internationale autour des rapprochements entre la technique «inventée» par le couple historique Niépce-Daguerre et l'art contemporain. Si, au fil des années, de nombreuses catégorisations furent plus ou moins artificiellement élaborées - «photographie plasticienne», «artistes utilisant la photographie» - ici, rien de tel. Il s'agit uniquement de dresser un constat - la photographie est un des principaux moyens d'expression de l'art d'aujourd'hui - et de partager la vision de celui qui a fait acte de photographier.


Douglas Gordon
Tattoo (for reflexion), 1997
photographie, 58 x 58 cm
© Collection Lambert en Avignon
Qu'en est-il ? Si la plupart des grands artistes des dernières décennies sont présents dans l'exposition : Joseph Beuys, Christian Boltanski, Maurizio Cattelan, Dan Graham, Roni Horn, Pierre Huyghe, Joseph Kosuth, Bruce Nauman, Giulio Paolini, Rudolf Schwarzkogler, leurs images ont-elles toutes le même statut ? Pour les uns (land-artistes - voir notamment les tirages uniques de Denis Oppenheim et de Richard Long - et performers essentiellement), la photographie ne sert qu'à la représentation d'une autre oeuvre d'art. Pour certains, l'image fait partie d'un dispositif plastique qui la déborde, Kosuth bien sûr, mais surtout Boltanski qui présente une installation spécialement conçue pour l'exposition : un ensemble de huit boîtes noires monumentales évoquant le caisson lumineux et contenant des planches-contacts de plusieurs anciens travaux rephotographiés. Pour d'autres encore (souvent les plus jeunes), le tirage est une fin en soi. Ainsi Maurizio Cattelan dans AC Fornitore Sud s'amuse, par collage, à inventer une nouvelle équipe de football africaine et à détourer les silhouettes des joueurs, convoquant davantage le dispositif publicitaire que l'imagerie de magazine spécialisé. Slater Bradley photographie un jeune homme à la manière du défunt chanteur punk Ian Curtis, sans que cela soit pour autant une image de performance (My Doppel Ganger as Ian Curtis in charlatan pose (cigarette and tree), oeuvre réalisée en 2000, dans la première salle). Mais c'est surtout à Andres Serrano, l'un des pionniers du genre, que revient la part du lion dans l'exposition. On y retrouve nombre de ses oeuvres précédemment exposées dans l'espace parisien du galeriste et particulièrement Black Supper I,II,III,IV, un ensemble de cinq tirages encadrés représentant la Cène : le Christ et les apôtres recouverts de bulles d'eau.

La photographie, à l'orée des années 1980, a pris toute son autonomie et on ne discerne plus trop les frontières qui la séparent de l'art contemporain, parmi d'autres moyens de représentation. Soulignons l'ingéniosité de l'accrochage qui met en valeur la diversité des oeuvres. Il reste néanmoins décevant qu'un discours historique (qui aurait eu alors toute sa légitimité) n'accompagne pas davantage le visiteur. Mais espérons que cette lacune sera comblée lors des trois prochains volets.


 Frédéric Maufras
07.06.2002