Home > Le Quotidien des Arts > Au nom de l’art brut

Expositions

Saban devant ses enluminures monumentales, © F. Monnin


Les tapisseries de Jacques Trovic, © F. Monnin


Au nom de l'art brut

La Halle Saint-Pierre, à Paris, renouvelle notre vision du mouvement incarné par Dubuffet.

C'en est bien fini du petit musée de l'Art Naïf de la ville de Paris, installé dans une ancienne halle montmartroise dessinée par Gustave Eiffel ! Depuis environ deux ans, la jeune conservatrice du lieu Martine Lusardy, multiplie les événements historiques consacrés à l'art des autodidactes et de tous les créateurs échappant aux normes et aux modes. Les deux expositions ouvertes le 10 septembre dernier ne dérogent pas à la règle. Au premier étage, « Noir sur blanc, mondes intérieurs » présente les dessins à l'encre de Chine ou au crayon de huit artistesétonnants, ignorant la perspective classique et affectionnant les formes organiques. Les monstres minuscules du britannique Blinko, les papillons fantastiques de la croate Grgich, les visions de l'américain Michaels ou les architectures du français Nadau donnent le vertige. La sensualité et la richesse des enluminures monumentales de la turque Saban (née en 1953) sont particulièrement troublantes : réinventant l'Orient et la féminité, cette égérie de l'actuel groupe surréaliste parisien n'en finit pas de dérouler un même filet d'encre pour combler le vide, en tricotant des mondes grouillants d'amoureux, d'explosions et de fluides.

Au rez-de-chaussée, « Aux frontières de l'art brut II », deuxième volet d'une série d'expositions conçues avec la complicité de l'écrivain Laurent Danchin, présente sept autres inventeurs de formes. On songe aux dessins d'enfants, aux peintures de chamanes, à tout ce qui vient du cœur. C'est l'œuvre de Jacques Trovic (né en 1948) qui charme particulièrement les visiteurs : fils de brodeuse, depuis l'enfance il réalise d'étranges « tapisseries » à partir de petits morceaux de tissus cousus et de broderies. Tout son monde, celui du Nord, des derniers mineurs, des fanfares de carnaval, des marchés de quartier, des petites boutiques et des gestes quotidiens, est ainsi représenté avec simplicité et minutie. Les yeux ronds et la raideur des personnages les rendent émouvants, humains. On peut passer des heures à détailler les petits riens ainsi soigneusement représentés. Et quitter l'exposition aussi heureux qu'après une première gorgée de bière.


 Françoise Monnin
25.09.2001