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Requiem pour l’art français ?

Le rapport Quemin, sur la place de la France sur la scène contemporaine, avait fait grand bruit lors de sa sortie en mai 2001. Constat d’une situation alarmante, il est enfin publié à l’intention du grand public.

La thèse défendue sans complaisance par l’auteur - l’effacement progressif de l’influence française - avait valu à son étude un réel succès médiatique, en pleine Biennale de Venise. Après avoir montré l’émergence d’un marché global - là où coexistaient auparavant des marchés fragmentés - Alain Quemin s’attaque à une tâche ardue : mesurer en termes quantitatifs le poids de la France et de ses plasticiens dans le concert mondial. À l’aune des grandes collections muséales, il est plutôt négligeable. Aucun Français sur les cimaises du Stedelijk d’Amsterdam et de la Hamburger Bahnhoff, un seul - et mort de surcroît (Yves Klein) - au San Francisco MoMa. Au PS1 new-yorkais, l’un des plus grands centres d’art contemporain au monde, les Français n’arrivent à se frayer un passage qu’à l’occasion des expositions temporaires financées par des organismes comme l’AFAA (Association française d’action artistique).

Les Français à la traîne
L’indicateur Kunst Kompass, publié depuis 1970 dans l’édition allemande de «Capital» (numéro de septembre), qui prend en compte, entre autres critères, la présence dans les grandes expositions pour «classer» les cent artistes les plus importants du monde, est tout aussi cruel. De 1994 à 2001, à peine une poignée de créateurs français y ont figuré (avec Boltanski et Buren aux avant-postes, seuls capables d’entrer dans le Top Ten). Le poids relatif de la France, au coude à coude avec l’Italie, est inférieur à 5%. Les États-Unis comptent pour plus d’un tiers tandis que la nation montante, depuis les années 1980, est l’Allemagne, qui talonne les États-Unis.

Le débat est ouvert
On pourra rétorquer que l’indicateur est biaisé vers le monde germanique. Malheureusement, les autres analyses vont dans le même sens, qu’elles se basent sur l’étude des grandes foires (Bâle, Francfort, Madrid, etc.) et des biennales (Venise, Lyon ou Johannesburg) ou sur la comptabilisation des ventes aux enchères. Dans les années cinquante, Drouot représentait autant que Christie’s et Sotheby’s réunis. Aujourd’hui (données 2000), le rapport de force s'est largement inversé. Et le chiffre d’affaires (2 millions d’euros) généré par les ventes d’œuvres du premier artiste français, Zao Wou-ki, le place en vingtième position, loin derrière Richter (17 millions d’euros) ou Wieth (15 millions d’euros)… Les quelques pistes esquissées à la fin - sur la réforme du système des subventions aux galeries ou sur l’intérêt de céder en dépôt des œuvres aux grandes institutions étrangères - permettra d’alimenter le débat sur un sujet sensible.


 Rafael Pic
27.06.2002