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Marché

Un souvenir d’Italie

Sotheby’s met en vente le Portrait de la comtesse de Latour-Maubourg de Chassériau.


Portrait de la comtesse de
Latour-Maubourg
1841,
132 x 94,5 cm, huile sur toile,
signé et daté en bas à gauche.
Est. : 1 200 000 / 1 500 000 €
Alors que vient de se terminer l’exposition Chassériau au Grand Palais, Sotheby’s met en vente une toile de l’artiste estimée à 1,2 million d’euros. Exécutée lors de son voyage en Italie, entre novembre 1840 et janvier 1841, cette toile correspond à la démonstration de ses talents de portraitiste. De sa rencontre avec son ancien maître, Ingres, alors directeur de la villa Médicis à Rome, résulte une rivalité opposant les talents du jeune élève à l’un des plus grands portraitistes de l’école néoclassique. Agé seulement de vingt-et-un ans, Chassériau est déjà connu dans le milieu des amateurs d’art italiens. Le Portrait de la comtesse de Latour-Maubourg est réalisé dans ce contexte, tout comme le Portrait du Révérend Père Dominique Lacordaire et le Portrait d’Aline et Adèle Chassériau (musée du Louvre), des œuvres qui expriment la distance prise par l’artiste avec l’enseignement de son maître. Si l’huile sur toile présentée par Sotheby’s n’a été exposée qu’à deux reprises, au Salon de 1841 et à l’exposition de l’Orangerie de 1933, l’œuvre a été fréquemment mentionnée, depuis le Journal des Débats (sous la plume d'Étienne-Jean Delecluze) jusqu’au catalogue de l’exposition du Metropolitan Museum of Art en 2002.

Un tableau aux tonalités ingresques
Désireux d’offrir un portrait de sa femme à sa belle-mère, le comte de Latour-Maubourg, ambassadeur de France à Rome se tourne vers le jeune Chassériau. D’abord déçu de devoir baisser le prix de cette commande de 2 500 F à 1 000 F, l’artiste trouva ensuite une consolation devant la beauté de la jeune comtesse : « M. Ingres m’a envié quand je lui ai dit que je la peignais ». Représentée acoudée à un muret dans les jardins du palais Colonna de Rome, la jeune femme présente certaines caractéristiques ingresques dans le traitement des mains ou dans le raffinement accordé aux broderies et dentelles. Contrairement à son maître, Chassériau s’attache à dépasser les apparences sociales pour déceler dans les regards de ses modèles des sentiments secrets qui les définissent intérieurement. Ainsi percée à jour, la comtesse est présentée comme une femme discrète et mélancolique à l’image des grandes figures de la littérature romantique. « Il s’agit d’un tableau de grande importance dans la production de l’artiste. Ce grand portrait très achevé pourrait bien intéresser certains musées. Les œuvres de Chassériau sont rares sur le marché, cela fait déjà plusieurs années qu’aucun tableau de cette dimension n’a été mis en vente », ajoute Pascale Pavageau, experte de la vente.


 Stéphanie Magalhaes
27.06.2002