Home > Le Quotidien des Arts > Taménaga : Paris, mon amour

Marché

Façade de la galerie.


Taménaga : Paris, mon amour

La galerie japonaise agrandit ses locaux et présente une sélection d'œuvres de l'école de Paris qui ferait le bonheur de nombreux musées.

C'est l'histoire d'un coup de foudre. Dans l'après-guerre, à l'âge de 20 ans, Kiyoshi Tamenaga, un jeune Japonais, découvre Paris. Paris, ses quais, ses bouquinistes, mais surtout ses artistes, qu'il s'empresse de fréquenter, en partie grâce à l'amicale introduction de Foujita, et qu'il souhaite faire connaître chez lui. Il initie ses compatriotes à Campigli ou aux mondaines de Van Dongen et offre aux peintures naïves de Bauchant une audience qui leur est refusée en France.

En 1971, le collectionneur ouvre une galerie à Paris, concrétisant ainsi son rôle de passeur entre deux mondes. Il y accumule les œuvres figuratives dont raffolent ses clients du bout du monde : des toiles de Buffet et Carzou, qui comptent parmi ses amis, mais aussi de Van Dongen, Soutine et Chagall et des sculptures de Giacometti. En 1995, après avoir défendu une nouvelle génération qui peine à avoir l'audience de ses prédécesseurs - Weisbuch, Cottavoz ou Bardone - et après une expérience moins durable à New York - où une antenne a fonctionné de 1989 à 1994 - Tamenaga père passe le témoin à son fils. C'est ce dernier qui a présidé à l'agrandissement des lieux, qui ont été inaugurés jeudi dernier, à l'occasion des trente ans de la galerie.

Dans une transformation menée par le cabinet d'architectes japonais Kajima, les surfaces disponibles ont été doublées, pour atteindre 600 mètres carrés. Pour marquer ces trois décennies, les nouveaux murs ont été couverts de tableaux des peintres modernes et contemporains régulièrement suivis par la galerie. Le modernisme des Tamenaga va de Degas ou Bonnard à Klee ou Kandinsky. Des tableaux souvent inédits, des meilleures époques. Et à profusion... Tout un mur pour Odilon Redon, un mur Van Dongen avec une superbe composition de 1909, Les Trois Grâces, un mur de Vlaminck de la meilleure période, un éblouissant mur Chagall et, pour chacun des contemporains de la galerie, un tableau-clé. De quoi faire rêver plus d'un musée.

Le pourquoi et le comment d'une telle entreprise ? Difficile de les cerner à l'aide des maigres extraits des dossiers officiels. Avec l'understatement cher aux grands Japonais, Kiyoshi Tamenaga ne veut pas parler de lui et s'efface derrière ses artistes. Et lorsqu'on lui demande de désigner et de commenter son tableau favori, il finit par choisir les Trois Grâces, en ajoutant pour tout commentaire : « pour des raisons personnelles »…


 Rafael Pic
24.09.2001