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Marché

« House sales » : la voie anglaise

La vente de l’entier mobilier d’une demeure aristocratique est une spécialité britannique, superbement illustrée par les récentes enchères de Longleat.


Le genre est peu pratiqué en France et dans les autres pays européens. On doit cependant citer, comme exception confirmant la règle, la dispersion du contenu du château de Groussay, ancienne propriété de Carlos de Beistegui. Réalisée du 2 au 6 juin 1999 sous le marteau des maîtres Poulain et Le Fur, avec l'appui logistique de Sotheby's, elle avait rapporté 167 millions de francs pour une estimation de moins de 100 millions. En Italie, une opération similaire avait été menée au château de Duino, cher à Rilke, en juin 1997. Outre la bibliothèque, les lots comprenaient le piano de Franz Liszt ou le divan de Sissi. Ces ventes, pratiquées sur le lieu même et non dans les salles traditionnelles, attirent des acheteurs de toute l'Europe et des États-Unis, sensibles à l'atmosphère et aux souvenirs historiques qu'elles évoquent.

Meissen au plus haut
Les Britanniques restent les maîtres en la matière comme l'ont encore montré les résultats de la vente qui s'est tenue les 13 et 14 juin à Longleat, la propriété de Lord Bath. Le total des enchères à atteint 27 millions de livres, soit près du double de Groussay, pourtant acclamé comme la plus importante vente du XXe siècle en France. Dans ces occasions, la porcelaine de Meissen est un grand classique : à Groussay, une paire de jarres avait atteint 4,3 millions de francs. À Longleat, c'est un couple de renards grandeur nature par Johann Kändler (1731), qui a établi le record de la spécialité en étant enlevé à plus d'un million de livres par le Getty Museum. Mais la bibliothèque, qui comprenait notamment le premier livre réalisé à Bruges par William Caxton avant qu'il n'acclimate l'imprimerie en Angleterre ou une édition des Géorgiques publiée vers 1460 à Florence, a donné un produit de 12,4 millions de livres, un peu plus que le mobilier (11,5 millions de livres).

Demain la France ?
Lord Bath, avec l'« understatement » typique de la gentry, s'est félicité des résultats de la vente tout en insistant sur le fait qu'il ne s'agissait que d'une petite partie des collections, qui restent notamment très riches en mobilier et en tableaux. Si la Sainte Trinité de Titien a été volée il y a quelques années, il reste notamment un Tintoret et de nombreux maîtres anglais. À l'instar de la récente mise à l'encan de la Vénus Jenkins par le propriétaire de Newby Hall (record pour une sculpture de l'Antiquité à 7,9 millions de livres le 13 juin, toujours chez Christie's), ces ventes permettent de financer les réparations nécessaires. Elles illustrent la capacité des maisons anglo-saxonnes à organiser de véritables événements mondains pour convaincre les propriétaires réticents. Occupés par leur récente installation parisienne, Christie's et Sotheby's n'en ont pas encore organisé dans les châteaux français. Nul doute que leur expérience en la matière les poussera à s'y consacrer au plus tôt. Un autre défi pour Drouot qui n'a pas les moyens d'entretenir un réseau capillaire de même envergure sur le territoire.


 Rafael Pic
19.06.2002