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Musées

Un centre d'art renaît des cendres de Sarajevo

La ville bosniaque concrétise son rêve, né lors de la récente guerre, de réunir des artistes contemporains internationaux au sein d'un musée.

SARAJEVO, 23 juin (AFP) - Lancée en 1992, l'idée de fonder un musée d'Art moderne à Sarajevo avait alors été jugée un peu folle. Dix ans plus tard, les fondations du premier pavillon du musée, qui dispose déjà de l'une des plus importantes collections d'art contemporain du monde, sont en place. Trois mois environ après le début d'un siège de 42 mois, en juin 1992, des artistes et intellectuels de la ville décidaient d'inviter leurs confrères du monde entier à les aider à constituer une collection. Dans Sarajevo assiégée, victime de bombardements et de tireurs embusqués, coupée d'eau, d'électricité et de vivres, les efforts pour constituer la collection, baptisée ARS AEVI (« Art de l'époque », en latin), débutaient. Très vite, la solidarité se créait entre les musées et centres européens d'art contemporain et la ville bosniaque assiégée. Aujourd'hui, la collection comprend 120 œuvres d'artistes de renommée internationale. Sa valeur est estimée à quelques 7 millions de dollars (7,2 millions d'euros).

Ilija Simic, président de l'association ARS AEVI, se souvient comment, en juin 1992, il gagnait à pied son bureau par des rues jonchées de débris de verre : « Le bruit des tirs de mortiers était si fort que nous devions crier afin de nous entendre les uns les autres ». Peu de temps après, un des initiateurs du projet, Enver Hadziomerspahic, quittait Sarajevo pour se rendre en Italie, afin de promouvoir cette idée. Enver Hadziomerspahic, qui avait présidé aux cérémonies d'ouverture et de fermeture des Jeux olympiques de Sarajevo de 1984, contacte Antonio Lucchessi, vice-président du Centre d'art contemporain Luigi Pecci, de Prato. « Lucchessi m'a dit qu'il avait cherché pendant des mois un moyen d'aider Sarajevo. Il m'a invité à m'installer dans sa maison et m'a promis de faire de son mieux pour nous aider, précise-t-il. C'est la première fois que l'on créait une collection d'œuvres pour un musée, comme expression de la volonté des artistes (...). Sa valeur est plus que simplement matérielle, elle est aussi éthique et morale », estime aujourd'hui Enver Hadziomerspahic. Arrivée à Sarajevo en 1999, la collection a été provisoirement accueillie par le musée Historique de Sarajevo. Avec le soutien d'un certain nombre de villes et d'institutions d'art italiennes, de l'UNESCO et du Conseil de l'Europe, les artistes se concentrent à présent sur la construction du musée ARS AEVI. Un protocole a été signé à Sarajevo le 22 juin entre l'équipe d'ARS AEVI, les autorités bosniaques et les représentants d'institutions d'art et de villes italiennes dont Florence, Milan, Rome, Venise et la région de la Toscane. Par ce protocole, les signataires s'engagent à trouver des fonds pour le futur musée, qui est déjà, selon Hadziomerspahic, « un symbole d'esprit multi-culturel, de diversité culturelle, de droits civils et de liberté artistique ».

La première contribution est venue de Renzo Piano, l'architecte de renommée mondiale, qui a imaginé la construction du premier pavillon du musée, au centre de Sarajevo, sur un site offert par la ville. L'architecte du Centre Georges Pompidou, à Paris, a également lancé et financé la construction d'une passerelle qui donne accès au musée en franchissant la Miljacka, une rivière qui traverse Sarajevo. Elle a été inaugurée le 23 juin en présence de l'architecte, des représentants des autorités locales et de la communauté internationale et des habitants de Sarajevo. Le même jour, les fondations du premier pavillon ont été inaugurées. Dix autres bâtiments, imaginées par d'autres architectes de réputation internationale, doivent compléter ce premier pavillon. « La Bosnie est toujours considérée par beaucoup comme la patrie des gens sanguinaires (...). Mais nous avons des qualités et nous devons changer notre image, souligne Hadziomerspahic. Ce musée en construction est un pas en avant pour nous (...). La seule revanche que l'on peut prendre sur ceux qui détruisent des musées, c'est d'en construire d'autres. »

par Sabina ARSLANAGIC

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  AFP
25.06.2002